Selon un responsable officiel américain, la situation militaire au Sahel serait «hors de contrôle»
La situation sécuritaire au Sahel, en proie aux groupes terroristes, ne serait pas prête de s'améliorer, selon des experts de «think tank» américains. La France peut-elle assumer seule le maintien de la paix dans la région ?
La guerre au Sahel est-elle en train de se transformer en bourbier pour l'armée française ? Alors que 44 soldats français de l'opération Barkhane ont trouvé la mort au Mali et au Sahel depuis 2013, dont 13 dans le récent crash de deux hélicoptères lors d'une mission le 25 novembre 2019, les groupes djihadistes restent bel et bien actifs dans la région. Le 10 décembre dernier, dans le camp militaire d'Inates ce sont 71 soldats nigériens qui ont trouvé la mort dans l'attaque de leur base par 500 djihadistes lourdement armés, montés sur des motos et des pick-ups. En dehors de cette attaque, la plus meurtrière de l'histoire du Niger, revendiquée par le groupe Daech, d'autres attaques sanglantes ont frappé ces derniers mois le Mali et le Burkina Faso. Aussi, la paix au Sahel paraît de plus en plus lointaine, selon plusieurs experts.
«Ça va très mal et cela va continuer d'empirer»
«Ça va très mal et cela va continuer d'empirer», craint Michael Shurkin, ancien analyste à la CIA et aujourd'hui politologue à la RAND Corporation, un centre d'analyse stratégique. Interrogé par l'AFP à Washington, Michael Shurkin déplore le fait qu'il y ait «trop peu de soldats locaux, à qui il manque compétences et équipements». «Les Français ne sont pas assez nombreux non plus», remarque-t-il encore.
«La France est autant déployée que possible et n'y arrive pas. Aucun Etat ne peut renflouer la région», estime pour sa part Jacob Zenn, de la Fondation Jamestown à Washington.
4 500 soldats français stationnent actuellement au Sahel depuis 2014 dans le cadre de l'Opération Barkhane destinée à lutter contre le terrorisme dans la région, auxquels il faut ajouter quelques renforts de pays européens. Les pays du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina-Faso, Tchad et Mauritanie) participent également à l'opération militaire.
Selon Michael Shurkin, le G5 Sahel demeure plus une idée qu'une réalité. «Avec plus de soutien international, ils pourraient devenir un acteur mais aucun signal n'indique que ce soit en train de se produire». «Tout le monde sait que Barkhane n'est pas assez important pour faire plus qu'éteindre un feu plus gros encore. C'est la pire des justifications pour une guerre, mais la France en est là», ajoute-t-il.
Pour ne rien arranger, les soldats des pays du G5 Sahel sont de moins en moins populaires auprès des populations locales. Celles-ci accusent les armées africaines de procéder à des arrestations arbitraires et à des exécutions sommaires de civils simplement soupçonnés de soutenir les djihadistes. «Le jour, on craint l'armée, la nuit on craint les djihadistes», déclare un villageois à l'AFP.
«Il n'est pas possible de régler la situation en tuant tout le monde. La situation est hors de contrôle», estime pour sa part un responsable anonyme du département américain de la Défense. «Les Etats sont désorganisés, je pense qu'ils sont vraiment dépassés», résume-t-il.
Les militaires français au Sahel sont contraints à traquer des hommes dans une zone grande comme l'Europe, aux conditions climatiques extrêmes.
Le président Emmanuel Macron a plusieurs fois affirmé que l'armée française ne pouvait combattre seule au Sahel. Il a donc appelé à plusieurs reprises les pays européens à participer à l'effort de guerre dans la région. Son appel sera-t-il entendu ?