La course frénétique pour davantage de transplantations d'organes met les donneurs en danger aux États-Unis

Des incidents de plus en plus fréquents soulèvent des inquiétudes aux États-Unis, avec l’émergence d’une tendance à tenter précipitamment ou prématurément de prélèvement d'organes, alors que les patients montrent encore des signes de vie.
En théorie, le prélèvement d’organes aux États-Unis est soumis à un système complexe impliquant toute la chaîne médicale, depuis l'hôpital jusqu’aux coordinateurs de dons à but non lucratif, en passant par les médecins qui réalisent chaque année des dizaines de milliers de transplantations vitales. Les protocoles de sécurité sont supposés protéger tant la vie du donneur que celle du receveur.
Or, depuis quelques années, et dans le sillage des efforts pour augmenter les transplantations, des cas de plus en plus nombreux font état de patients qui ont subi des tentatives de prélèvement d'organes prématurées, voire ratées. Cette tendance a été confirmée par une enquête du New York Times, qui a démontré que le besoin d'organes supplémentaires primait sur la sécurité des donneurs potentiels.
Une précipitation périlleuse
Pour illustrer les dégâts de cette course aux prélèvements, le New York Times a rapporté plusieurs cas, à l’instar d’une femme, au Nouveau-Mexique, qui a été préparée par l’hôpital pendant plusieurs jours pour faire un don de ses organes. Conformément aux déclarations de sa famille, la patiente a finalement repris conscience.
Dans un autre cas plus glaçant en Floride, un homme dont on devait prélever les organes après son décès a pleuré et mordu son tube respiratoire, mais son respirateur artificiel a finalement été débranché. Le quotidien américain évoque aussi le cas d’un homme paralysé, venant d'arrêter un traitement par sédatifs, en Virginie-Occidentale, à qui des coordinateurs de prélèvement d’organes avaient demandé son consentement au bloc opératoire, sous les yeux consternés des médecins.
Selon le New York Times, les cas de ce genre se sont multipliés lorsque le système de transplantation a admis des prélèvements d'organes appelés dons, après arrêt circulatoire (décès causé par l'arrêt complet et irréversible de la circulation sanguine dans le corps). Ce type de prélèvement a représenté un tiers de tous les dons en 2024 et porté le nombre d’organes à environ 20 000, un chiffre trois fois supérieur à ce qu’il était cinq ans plus tôt.
Au moins 85 patients ont repris conscience alors qu’on prélevait leurs organes
La plupart des dons d'organes aux États-Unis étaient effectués sur des personnes en état de mort cérébrale (un état irréversible). Elles sont maintenues par des machines uniquement pour préserver leurs organes de la dégradation post-mortem. Pour le cas du don d'organes en phase terminale, il provient de patients sous assistance respiratoire et souvent dans le coma. Ils ne sont pas décédés et leur pronostic vital dépend plutôt du jugement médical.
Le cas d'un homme du Kentucky dont les organes ont été prélevés alors même qu'il secouait la tête et ramenait ses genoux contre sa poitrine, a déclenché une enquête fédérale qui a révélé récemment que l'organisme d'approvisionnement de l'État avait ignoré les signes de reprise de conscience chez 73 donneurs potentiels.
Le New York Times a encore allongé cette liste avec 12 autres cas dans neuf États américains, constatés à la suite d'entretiens avec des professionnels de santé et d’examen des dossiers internes, d’enregistrements audio et des messages. La plupart de ces patients sont finalement décédés, laissant en suspens la question sur ce qu’ils ont pu ressentir à leurs derniers instants.