Spoutnik V : un an après son arrivée, quel bilan pour le vaccin russe contre le Covid-19 ?
Le 11 août 2020, la Russie annonçait l’enregistrement du premier vaccin au monde contre le Covid-19, le Spoutnik V. Malgré une efficacité démontrée dans de multiples pays, le vaccin russe n'a toujours pas été homologué par l’Union européenne.
Il y a un an, le 11 août 2020, Vladimir Poutine annonçait l’enregistrement du Spoutnik V, le tout premier vaccin au monde contre le Covid-19 mis au point par l'institut de recherche Gamaleïa. Il est actuellement utilisé dans 69 pays et ses concepteurs attestent son efficacité contre les nouveaux variants du Covid-19. Pourtant, l'Union européenne n'a toujours pas homologué le sérum russe.
Accusé d'avoir été lancé dans la précipitation et avec un manque de transparence, le Spoutnik V avait dans un premier temps été accueilli avec scepticisme par certains gouvernements mais la revue britannique The Lancet avait ensuite affirmé que le candidat vaccin déclenchait une réponse immunitaire et n'entraînait pas d'effets indésirables graves, avant de conclure qu'il était efficace à 91,6% contre les formes symptomatiques du Covid-19. Des arguments qui ont pu convaincre de nombreux pays de s'intéresser au vaccin russe, qui est par ailleurs meilleur marché et plus facile à conserver que ses concurrents, un réfrigérateur ménager entre 2 °C et 8 °C étant suffisant.
En parallèle à la vaccination de sa propre population, la Russie a alors commencé à exporter son vaccin à travers le monde : l'Argentine, l'Algérie, ou encore le Mexique en furent les premiers acquéreurs. Le Spoutnik V est actuellement autorisé dans 69 pays représentant une population totale de 3,7 milliards de personnes. De plus, des accords de coopération permettent sa fabrication hors de Russie, dans plus de 14 pays tels que l'Argentine, l'Algérie ou l'Iran.
Un vaccin qui reste efficace contre les variants
Ce sont désormais les variants du SARS-CoV-2 qui causent des flambées épidémiques à travers le monde. Ce 12 août, la Russie a ainsi comptabilisé 808 morts dus au Covid en 24 heures. Or l'institut Gamaleïa, le Fonds russe d'investissement direct (RDIF) et le gouvernement russe affirment, études à l'appui, que le Spoutnik V est efficace contre ce variant apparu en Inde.
Le ministre russe de la Santé Mikhaïl Mourachko s'est exprimé sur la situation en ces termes : «Oui, aujourd'hui le vaccin Spoutnik V montre les résultats les plus efficaces dans la prévention de la propagation de la souche Delta. Selon les résultats, son efficacité est à hauteur de 83%, ce sont les donnés russes que nos collègues des cliniques nous ont aimablement transmises. Et le vaccin garantit une prévention à presque 95% des cas graves de Covid-19 et, ce qui est également important, il assure une prévention des cas graves entraînant l'hospitalisation. Ce médicament est efficace aujourd'hui et continue de fonctionner.»
Une étude publiée le 12 juillet 2021 dans la revue médicale internationale Vaccines a en effet montré que le Spoutnik V conservait son efficacité contre les nouveaux variants. Selon les dernières données du ministère russe de la Santé, l'efficacité du Spoutnik V contre le variant Delta est de 83,1 % contre les infections et de 94,4 % contre les hospitalisations, tandis que l'efficacité du vaccin de Moderna face à ce variant tombe à 76%, et que celle du vaccin de Pfizer/BioNTech chute à 42%, selon Reuters.
Le Spoutnik V est l'un des vaccins les plus efficaces contre les variants [...] du coronavirus grâce à sa conception unique consistant à utiliser deux vecteurs adénoviraux différents
Alexandre Guinzbourg, le directeur du centre de recherche Gamaleïa, a commenté ainsi ces résultats : «Aujourd'hui, le Spoutnik V est l'un des vaccins les plus efficaces contre les variants originels et nouveaux du coronavirus grâce à sa conception unique consistant à utiliser deux vecteurs adénoviraux différents comme mécanisme d'administration.»
Une analyse partagée par Kirill Dmitriev, le directeur du RDIF : «Le Spoutnik V a été pionnier dans une approche basée sur un cocktail vaccinal avec deux injections. Les tests menés par le centre Gamaleïa ont démontré la validité de cette approche, l'activité de neutralisation du virus contre les nouvelles souches plus dangereuses et infectieuses restant supérieure à celle de nombreux autres vaccins. Le RDIF continuera à [analyser] les possibilités de partenariat avec d'autres grands producteurs de vaccins pour développer des cocktails de vaccins utilisant la première injection du Spoutnik V.»
Une question devenue politique en Europe
Malgré ses bons résultats, certains pays sont réticents à autoriser l'utilisation du Spoutnik V sur leur territoire. Debut mars, un dossier avait déposé auprès de l'Agence européenne du médicament (EMA) en vue d'une autorisation dans l'Union européenne (UE) qui n'a toujours pas été accordée.
Dans un entretien accordé au journal Komsomolskaïa Pravda publié le 4 août, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a commenté l'attitude de l'Union européenne (UE) et de la France face aux vaccins russes contre le Covid-19. Il a regretté un discours «de plus en plus agressif» de la part de certains pays membres, ainsi qu'une approche française fluctuante et basée sur des critères politiques plutôt que scientifiques.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait en effet déclaré que le Spoutnik V était «plus un moyen de propagande et de diplomatie agressive qu'un moyen de solidarité et d'aide sanitaire». Le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune s'était quant à lui exprimé en ces termes le 8 juillet : «Il y a certains pays, comme l’Espagne, qui étaient tentés ou qui ont fait à un moment la reconnaissance des certains vaccins comme le russe ou le chinois. Nous, on dit aux partenaires européens, on leur a redit encore ces derniers jours : "Attention, et non pour ces vaccins".»
Le Premier ministre italien et ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi avait pour sa part estimé que le Spoutnik V «ne [serait] peut-être jamais» approuvé par l'EMA. Pourtant, au sein même de l'UE, certains pays comme la Hongrie et la Slovaquie, mais aussi Saint-Marin – dont la population a majoritairement été vaccinée avec le Spoutnik V – utilisent d'ores et déjà le vaccin russe. Par ailleurs, depuis le 4 août, les certificats de vaccination de Saint-Marin sont reconnus dans tous les pays membres de l'UE. Un premier pas vers la reconnaissance du Spoutnik V par Bruxelles ?