Augmentation de 330% du nombre de civils tués par des frappes aériennes en Afghanistan
Selon une étude de l'université américaine Brown, le nombre de civils tués par les frappes aériennes des Etats-Unis et de leurs alliés en Afghanistan a augmenté d'environ 330% de 2016 à 2019. L'armée américaine en Afghanistan a rejeté cette étude.
Dans le cadre de son projet «Cost of War» («Les coûts de la guerre», en français), l'université Brown (Etat du Rhode Island aux Etats-Unis) a publié ce 7 décembre une étude révélant que le nombre de victimes civiles causées par les frappes aériennes de la coalition menée par les Etats-Unis a fortement augmenté entre 2016 et 2019 en Afghanistan. De son côté, l'armée américaine a rejeté ce 8 décembre ce qu'elle a décrit comme une étude «partiale».
Selon l'étude de l'Institut Watson de l'université Brown, «le nombre de civils tués par les frappes aériennes internationales a augmenté d'environ 330% de 2016, la dernière année complète de l'administration Obama, à 2019, l'année la plus récente pour laquelle il existe des données complètes provenant des Nations unies».
C'est d'ailleurs en 2019 que 700 civils ont été tués en Afghanistan par des frappes aériennes, plus que toute autre année depuis les premiers jours de la guerre en 2002, toujours d'après la même étude. Et d'ajouter : «Il y a eu plus de bombes larguées depuis les airs en 2018 et 2019 qu'au plus fort de la présence américaine en Afghanistan en 2011.»
Le rapport met ensuite en avant le nombre moyen de civils tués chaque année de 2007 à 2019 en Afghanistan par les Etats-Unis, leurs alliés et le gouvernement afghan. Si la moyenne annuelle est de 582 civils tués par an de 2007 à 2016, celle-ci atteint 1 134 civils tués par an entre 2017 et 2019, soit une augmentation de 95%.
La directrice de recherche de cette étude, Neta C. Crawford, explique que cette forte augmentation du nombre de civils tués chaque année est en grande partie due à la levée, en 2017 par l'administration Trump, des restrictions imposées jusque-là aux forces américaines en Afghanistan pour mener des frappes aériennes contre les Taliban. En conséquence, celles-ci ont fortement augmenté dès 2017, jusqu'à l'accord signé entre Washington et les Taliban en février 2020.
«Le nombre croissant de frappes aériennes correspond à une baisse du nombre total de soldats américains postés en Afghanistan. A leur paroxysme en 2011, les effectifs des forces américaines en Afghanistan étaient d'environ 100 000, sans compter plus de 15 000 contractuels travaillant également pour des entreprises américaines dans les zones de guerre. En février 2020, il y avait environ 12 000 militaires américains en Afghanistan», rappelle également Neta C. Crawford.
Une étude jugée «partiale» par les forces américaines en Afghanistan
Dans un communiqué cité par l'AFP, le porte-parole des forces américaines en Afghanistan, le colonel Sonny Leggett, s'est dit en désaccord avec cette étude qu'il juge «partiale». Selon lui, ce rapport «se base sur des données contestées et ne tient pas compte des victimes civiles causées par les attaques des Taliban et de Daesh».
Et d'ajouter : «Cela inclut l'utilisation continue par les Taliban de véhicules piégés, d'engins explosifs improvisés, de roquettes et d'assassinats ciblés afin d'intimider, de harceler, et d'inspirer la peur à travers l'Afghanistan.»
Sonny Leggett a en outre souligné que les forces afghanes avaient fait «une quantité extraordinaire d'efforts» pour éviter les pertes civiles.
Toutefois, depuis l'accord de paix signé entre les Etats-Unis et les Taliban en février 2020, c'est l'armée afghane qui a pris le relais et multiplié les frappes aériennes pour faire pression sur les Taliban. Depuis, l'armée afghane a fait «plus de victimes civiles que jamais dans son histoire», d'après Neta C. Crawford.
Pendant les six premiers mois de l'année, 86 civils afghans ont été tués et 103 blessés dans des frappes aériennes de l'armée afghane. Au troisième trimestre, alors que le gouvernement et les Taliban négociaient à Doha, le bilan a atteint 70 morts et 90 blessés.
Les deux camps ont par ailleurs annoncé la semaine dernière un accord sur les procédures des pourparlers, une question parmi d'autres qui empêchait jusque-là d'avancer dans les négociations de paix lancées en septembre au Qatar.