Le nord du Kosovo est «de fait sous blocus», dénonce la Russie à l'ONU
Alors que s'est tenue le 23 octobre une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies dédiée à la situation au Kosovo, le représentant permanent de la Russie à l'ONU a alerté sur le risque d'une catastrophe humanitaire dans la province serbe tenue par Pristina.
«Les secteurs nord du Kosovo se trouvent de fait sous blocus. L'interdiction d'acheminement de marchandises en provenance du centre de la Serbie laisse craindre une possible catastrophe humanitaire», a déploré le 23 octobre Vassili Nébenzia, le représentant permanent de la Fédération de Russie aux Nations unies, lors d'une réunion du Conseil de sécurité dédiée à la situation au Kosovo. Le rapport de l'UNMIK (Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo) était présenté à cette occasion.
«Il y a un manque de vaccins pour les enfants, dont les nouveau-nés, un manque de médicaments pour les malades, et notamment des malades de cancers. L'hôpital de Kossovska-Mitrovitsa a presque épuisé ses stocks de coussins d'oxygène», s'est alarmé le diplomate.
Suite à l'incident à Banjska le 24 septembre dernier, où trois Serbes et un policier kosovar avaient péri, un blocus de 24 jours avait été mis en place par les autorités de Pristina jusqu'au 20 octobre. Malgré sa levée officielle rapportée par Euractiv le 20 octobre, la situation ne semble pas s'être normalisée: «les habitants des villages situés le long de la frontière signalent certaines difficultés de déplacement», rapporte la même source.
Une vie «dure» dans le nord du Kosovo, selon Nebenzia
Toujours selon lui, «la situation sur place s'est beaucoup aggravée depuis ces six derniers mois», soulignant que «la raison en était la même, à savoir le désir des soi-disant autorités kosovares de prendre totalement le contrôle du nord de la province peuplé de Serbes». Et le diplomate d'évoquer une «vie dure au nord du Kosovo», émaillée par des «actes d'intimidation, des arrestations de Serbes, des attaques presque quotidiennes dirigées contre les personnes et leurs biens».
Pour rappel, le Kosovo, province historiquement serbe, compte désormais 120 000 Serbes sur une population totale de 1,8 million de personnes, cette minorité étant majoritaire dans le nord. Elle a déclaré unilatéralement son indépendance en 2008, reconnue par les Etats-Unis et la plupart des pays occidentaux, mais pas par la Serbie, la Russie, la Chine, l’Inde ou encore l’Espagne, mais aussi l'ONU et l'UE. Les tensions entre la Serbie et les autorités autoproclamées du Kosovo ont connu un vif regain en mai dernier, quand Pristina a tenté de placer des élus kosovars à la tête de municipalités du nord peuplées de Serbes, puis en septembre, quand un groupe d'hommes armés serbes a tué un policier kosovar avant que les forces de l'ordre de Pristina ne tuent trois membres du groupe à l'issue du siège du monastère orthodoxe dans lequel ils s'étaient réfugiés.
Le rôle trouble de la KFOR
Vassili Nebenzia a regretté que «la présence internationale soit restée en retrait». «Autrefois, a-t-il rappelé, des patrouilles de l'EUFOR et de la KFOR étaient rapidement envoyées sur place pour s'interposer entre les parties et engager des négociations». En revanche, «ce ne fut pas le cas cette fois-ci, où la situation a été confiée aux Albanais kosovars, menant à un dénouement tragique».
Un autre témoignage, selon Vassili Nebenzia, de la «tendance d'une évolution vers une confrontation ouverte», est «la transformation illégitime de la KFOR (force de l'OTAN au Kosovo) en une quasi-armée équipée d'armes modernes [...] et l'entraînement des personnels kosovo-albanais à la base américaine de Bondsteel», laquelle serait, selon le diplomate, «prévue pour des tâches opposées, c'est-à-dire le maintien de la paix». Vassili Nebenzia a souligné en outre que ces mesures «violaient de manière flagrante la résolution 1244 des Nations unies».
Le président serbe Aleksandar Vucic avait formulé la même accusation au lendemain de l'incident du 24 septembre, reprochant à la KFOR d'avoir «donné carte blanche au (Premier ministre kosovar Albin) Kurti pour, comme on dit, se débarrasser des terroristes et en tuer le plus possible».
La question kosovare est cette semaine très présente dans l'agenda international. En effet, outre la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU qui lui était dédiée, le président serbe rencontrait le 21 octobre le G5, rassemblant l'Allemagne, l'Italie, la France, l'Espagne et la Pologne. Il a qualifié alors les discussions autour du Kosovo de «difficiles», «22 des 27 pays de l'UE ayant reconnu son indépendance», se disant néanmoins confiant pour «trouver une solution». Le président serbe se rendra ensuite à Bruxelles le 26 ou 27 octobre.