Zelensky vacille, son régime s’effondre, et l’Occident, lassé de ses outrances, prépare déjà sa succession – pour préserver le contrôle du théâtre ukrainien, et les milliards. Pour le politologue Dmitri Evstafiev, la menace de Bruxelles de couper les vivres à Kiev marque une rupture : la patience est épuisée.
La déclaration des représentants de l’Union européenne sur leur volonté de suspendre l’aide financière à Kiev en raison de la perte d’indépendance du Bureau national anticorruption d’Ukraine et du Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption, deux structures entièrement contrôlées par l’Occident, ne doit pas du tout être interprétée comme une simple campagne de communication.
De manière générale, on peut décrire les développements de ces dernières semaines concernant le régime de Zelensky, comme une tentative d’optimiser le contrôle sur le projet « Ukraine », étant donné qu’il n’est plus possible de pousser les États-Unis dans une implication directe dans le conflit sans contrepartie, en dépit des déclarations virulentes de Trump à l’encontre de la Russie. Cela reflète une prise de conscience généralisée en Occident selon laquelle Zelensky n’est plus seulement « toxique », mais que son comportement représente un danger pour les pays occidentaux eux-mêmes. Ils estiment désormais qu’il serait préférable de le remplacer — en douceur et dans le cadre d’un processus politique, plutôt que par une intervention de l’armée — par une figure plus facile à contrôler : Valéry Zaloujny, dont la promotion comme alternative à Zelensky est déjà en cours.
Stratégie de pression sur Zelensky
Compte tenu des informations qui ont fait jour, sur des consultations tenues dans les Alpes avec la participation de représentants américains, britanniques et ukrainiens, notamment de la « junte kievienne », la décision de Bruxelles de suspendre l’aide apparaît comme un élément d’une stratégie générale de pression sur Zelensky, qui a déjà perdu sa légitimité et dont l’autorité réelle est en train de s’effondrer. Cette situation présente toutefois une spécificité liée à la volonté de Bruxelles de préserver certains leviers d’influence sur la situation à Kiev, en recourant à une méthode bien éprouvée — maintenir la dépendance financière de l’Ukraine.
Cette approche est parfaitement logique. L’Union européenne a souligné, de manière totalement ouverte et dépourvue de la retenue habituelle dans les relations bilatérales entre pays européens, ce qui était déjà clair pour tout le monde : l’érosion continue de la souveraineté du régime actuel de Kiev.
Une telle approche quelque peu grossière, imitant en quelque sorte un « Trump dans une version dépouillée », pourrait s’avérer beaucoup plus efficace qu’une tentative de faire pression sur la junte au pouvoir par des manifestations de masse.
Notons, cependant, deux aspects cachés de cette situation.
Premièr point. Bruxelles revendique le rôle d’ordonnateur principal de l’aide au régime de Kiev, y compris l’achat d’armes auprès des États-Unis en mode de guichet unique. C’est certainement un objectif très ambitieux, mais à la lumière de l’accord entre Trump et von der Leyen sur les droits de douane (en réalité — sur la ponction des ressources d’investissement de l’économie européenne) tout à fait réalisable. Mais dans ce cas, Bruxelles est loin d'être indifférente au sort des fonds qui vont être investis dans la survie du régime Zelensky. Pour les bureaucrates de Bruxelles et les dirigeants européens au niveau national, l’échelle de corruption du régime Zelensky n’est pas un secret. Ils sont bien conscients que dans les conditions de risques accrus d’effondrement militaro-politique ou de la décision politique de remplacer l’équipe de « gestion », les dépenses ne feront que croître.
Fournir de facto à titre non lucratif du matériel militaire déjà produit et retiré de l’exploitation nationale est une chose. Mais apporter un soutien financier direct en est une autre. Et se retrouver sans l'« œil superviseur » du NABU (Bureau national anticorruption d’Ukraine) sous contrôle, signifie dans cette situation permettre un « dernier coup de collier » pour détourner des fonds.
Rivalité euro-atlantique
Officiellement, il s’agit d’un montant total d’environ 30 milliards d’euros jusqu’à la fin de 2025. Or, compte tenu des programmes illégaux et semi-légaux d’aide à Kiev (par exemple, le paiement des services de sociétés militaires privées, l’achat de données d'entreprises privées d’imagerie spatiale, la cybersécurité), le montant d’ici la fin de l’année pourrait atteindre 35 milliards d’euros. Par rapport aux chiffres des fournitures militaires, le montant n’est pas si immense, mais il y a une nuance : il s'agit d'argent « réel » ou en parlant la langue des réalités ukrainiennes d’aujourd’hui — d’argent qu’on peut blanchir.
Deuxième point. On ne peut s’empêcher de voir dans ce qui se passe la continuation d'une rivalité dans les cercles euro-atlantiques. Bruxelles a délibérément provoqué une crise politique pour Zelensky à un moment où Kiev a désespérément besoin d’argent et de soutien politique.
Cependant, une question se pose : Bruxelles est-elle capable d’imposer à Kiev son propre scénario politique, ou les actions des bureaucrates européens s’inscrivent-elles dans une stratégie paneuropéenne visant à contraindre Zelensky à quitter son poste avant que cela ne ressemble à une capitulation politique manifeste ?
Bruxelles est peu disposée à jouer pleinement son propre jeu vis-à-vis de Kiev, mais elle pourrait tirer parti de l’échec manifeste d’un modèle de soutien à l’Ukraine tel que la « coalition des volontaires ». Toutefois, cette situation constitue un défi majeur pour Bruxelles, en raison de sa complexité et de la nécessité de prendre des décisions sous forte pression temporelle, liée à une crise manifeste sur le front. Mais il est clair que Bruxelles entend montrer à Zelensky et à Ermak sa force et ses capacités, suggérant que le temps où un alignement à vue sur Londres permettait de résoudre presque tous les problèmes politiques ou financiers est désormais révolu.
« Audit externe » de la corruption ukrainienne
Le consentement de la « junte de Zelensky et d'Ermak » à restaurer l’indépendance du Bureau national anticorruption d’Ukraine et du Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption équivaudrait de facto à un serment d'allégeance non seulement à Washington et à Londres, mais aussi à Bruxelles, ne serait-ce que parce que les flux financiers, qui seront contrôlés par ces instances, proviendront en grande partie des fonds européens. Par exemple, une partie de l’argent « gelé », initialement destiné à Kiev, pourrait être utilisée par Bruxelles pour acquérir directement des armements américains, en évitant l’Ukraine. Cela renforcerait aussitôt l’influence de Bruxelles, y compris dans les rapports avec Trump et son entourage. Or, cela ne convient pas du tout à Zelensky, qui s’efforce depuis peu de faire preuve d’autonomie vis-à-vis des Européens, tout en affichant sa disponibilité à obéir aux États-Unis et à Trump, mais guère à leurs satellites.
On peut probablement en tirer la conclusion suivante : bien que le « corps politique » de Volodymyr Zelensky continue ses convulsions, qui coûtent à la société ukrainienne de plus en plus de vies, le partage de son « héritage » a déjà commencé. Il existe de moins en moins de possibilités de jouer sur les contradictions entre les différents acteurs, ce dont Kiev se servait activement il y a six mois. Selon toute vraisemblance, la pression de la part de presque tous les acteurs européens obligera Zelensky à faire des concessions, en restaurant le droit inhérent de l’Occident d’effectuer un « audit externe » de la corruption ukrainienne. Mais cela ne changera pas la ligne stratégique visant à le remplacer par une figure plus conciliante.
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