Jo Jorgensen, une libertarienne en campagne pour la Maison Blanche

Jo Jorgensen, une libertarienne en campagne pour la Maison Blanche© Kevin Kolczynski Source: Reuters
Image d'illustration : photographie prise lors d'un meeting du candidat du parti libertarien à la dernière présidentielle américaine, Gary Johnson, à Orlando, Floride, en mai 2016.
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S'il ne fait aucun doute que, le 3 novembre, la présidence du pays reviendra à Biden ou Trump, deux autres candidats méconnus mènent campagne dans l'ombre. Jo Jorgensen, la candidate libertarienne, pourrait même jouer le rôle de trouble-fête.

Le 3 novembre 2020, Jo Jorgensen ne deviendra probablement pas la première femme présidente des Etats-Unis. Cette universitaire de 63 ans, candidate du Parti libertarien, aura toutefois peut-être un rôle décisif dans l’élection du prochain président américain.

Si les sondages lui donnent aux alentours des 3%, celle qui se présente comme «l’alternative» espère bien dépasser les 5% et perturber le duel de géants entre démocrates et républicains. Son parti ferait alors mieux qu’il y a quatre ans, lorsque son candidat, Gary Johnson, rassemblait 4,5 millions d’électeurs, soit 3,28% des voix. Un score important pour ce petit mouvement politique, mais qui reste très éloigné des 19% obtenus par Ross Perot en 1992, performance historique qui avait contribué alors, selon de nombreux commentateurs politiques, à la défaite de George Bush face à Bill Clinton.

En faveur des armes et de l’avortement

Professeur en psychologie à l’université de Clemson (Caroline du Sud), Jo Jorgensen n’est pas une professionnelle de la politique, mais elle est rompue aux meetings politiques. En 1996, l’universitaire a été déjà candidate à la vice-présidence, seconde dans un ticket avec Harry Browne. Si, cette année, son slogan ne fait pas dans l'originalité : «Real change for real people» («Un vrai changement pour de vrais gens»), son programme lui n’en manque pas pour l’observateur européen. Fidèle aux fondements du mouvement, son parti farouchement individualiste défend le deuxième amendement et le port d’armes, affiche son hostilité à l’Etat fédéral, souhaite en supprimer la plupart des ministères ainsi que la Banque fédérale, et compte s’attaquer à la réforme de santé de Barack Obama.

Mais à côté de ces marqueurs, plutôt jugés à droite de l’échiquier politique américain, le parti défend le mariage des homosexuels, l’avortement, l’immigration, la légalisation des drogues, la PMA, l’isolationnisme et le rapatriement des troupes américaines de toutes les zones de guerre. Jo Jorgensen, un brin provocatrice comme l’est souvent son parti, annonce même que le jour de son élection, elle graciera «tous les délinquants non violents impliqués dans des affaires de drogue».

Accompagnée de Spike Cohen, son candidat à la vice-présidence, Jo Jorgensen sillonne modestement le pays dans un bus de campagne, sans les moyens faramineux des deux grands partis démocrate et républicain, qui dominent la vie politique du pays depuis près de deux siècles. Les «republicrats» sont considérés par les libertariens à qui ils doivent ce sobriquet comme les deux faces d’une même pièce. La candidate dénonce inlassablement aussi la dette «out of control» du pays qu’elle considère être une grave menace pour toute l’économie du pays. L’équilibre du budget, la réduction des dépenses publiques et l’hostilité à l’Etat providence sont en effet parmi les grands piliers qui fondent le programme libertarien.

Inclassable politiquement, le Parti libertarien, pourrait lors du vote de novembre grignoter l’électorat des deux candidats. Donald Trump, pour lequel chaque voix compte au regard de son retard dans les sondages, pourrait être le plus à même d’être victime de cette perte de voix. Il y a quatre ans, les votes libertariens ont été parfois décisifs. Certains analystes politiques ont estimé qu’Hillary Clinton avait perdu en faveur des libertariens de nombreux électeurs dans certains «swing States», ces fameux états clés sur lesquels se joue l’élection.

Un parti de dissidents républicains

Historiquement, le courant libertarien a vu le jour en 1971, à l’initiative de dissidents du parti républicain en désaccord avec la politique économique du président Nixon, trop proche selon eux des idées démocrates. Le courant s’appuie alors sur un socle intellectuel composé d’écrivains, tels que l’auteur de science-fiction Robert Heinlein, dont l’œuvre fait l’apologie de la liberté individuelle, et la philosophe Ayn Rand, quasi-inconnue en France, mais véritable autorité intellectuelle de l’autre côté de l’Atlantique. Son roman Atlas Shrugged (La grève),dans lequel elle critique violemment la démocratie sociale et y défend le rôle des élites dans la société,estle livre le plus influent dans le pays après la Bible selon un sondage effectué par la bibliothèque du Congrès américain.

La mouvance libertarienne ne se limite donc pas au parti qui porte son nom. Elle possède de nombreuses chapelles et exerce une forte influence sur la politique américaine comme on a pu le constater il y a quelques années avec le Tea Party des années Obama. Les idées libertariennes ont en effet beaucoup circulé au sein de ce mouvement. Interrogé par RT France, Cédric Monget, universitaire et docteur en histoire, spécialiste de la culture libertarienne aux Etats-Unis, explique ainsi qu’«il n'y a pas un mouvement libertarien, mais plusieurs».

Autre figure emblématique et atypique de ce mouvement, Ron Paul, ancien républicain et grand tribun populaire qui a basculé dans le camp libertarien en 1988 pour représenter le parti lors de l’élection présidentielle. Revenu ensuite chez les Républicains en 1996, il y a défendu la tendance libertarienne aux primaires de 2012 face à Mitt Romney. En 2015, il est de retour dans le Parti libertarien. Actuellement malade et hospitalisé après un AVC en direct sur YouTube, il reste un des soutiens majeurs de Jo Jorgensen.

Alors que, pour la première fois, un de ses membres a été élu à la Chambre des représentants, le Parti libertarien espère bien réussir une percée électorale en 2020. L’exceptionnelle participation attendue pourrait bien toutefois contrecarrer ce plan : cette élection, qui n’aura jamais autant clivé l’électorat américain depuis au moins un siècle, devrait favoriser le vote utile envers les deux candidats principaux. Mais l’imprévisibilité politique actuelle du pays offrira peut-être à Jo Jorgensen le rôle de trouble-fête qu’affectionne son parti.

Benjamin Fayet

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