Biélorussie : Loukachenko dénonce des manifestations «téléguidées» depuis l'étranger
Alexandre Loukachenko a fustigé les heurts ayant suivi l'annonce de sa réélection, dénonçant des «appels depuis l'étranger» visant à «téléguider» la population. Dans le même temps, certains pays ont émis des doutes sur le déroulement du scrutin.
Dans la foulée des résultats rendus publics par la Commission électorale de Biélorussie, le président Alexandre Loukachenko s'est exprimé, le 10 août, sur les manifestations qui ont suivi l'annonce de sa réélection avec plus de 80% des suffrages.
«Nous avons enregistré des appels depuis l'étranger. Depuis la Pologne, la Grande-Bretagne, et la République tchèque, il y avait des appels pour téléguider, excusez l'expression, nos moutons», a-t-il déclaré, cité par l'agence publique BelTA.
«Nous ne leur permettrons pas de mettre le pays en pièces», a ajouté celui qui est au pouvoir depuis juillet 1994. D’après lui, des «tireurs de ficelle» venus de République tchèque ont ordonné à l’opposition de «faire sortir les gens dans la rue et de demander des négociations pour un transfert du pouvoir».
Des messages bienveillants... et d'autres moins
Après l'annonce des résultats, le président russe Vladimir Poutine a félicité son homologue dans un télégramme mis en ligne par le Kremlin : «J'espère que vos activités étatiques contribueront au développement de relations russo-biélorusses mutuellement profitables dans tous les domaines.» Il a mis en lumière dans son texte les «peuples frères de Russie et de Biélorussie».
De son côté, toujours repris par BelTA, Xi Jinping a lui aussi adressé ses félicitations au président réélu. «Au nom du gouvernement chinois et du peuple chinois, ainsi qu'en mon propre nom, j'exprime mes chaleureuses félicitations et mes meilleurs vœux. Je suis sûr que, sous votre direction, la Biélorussie obtiendra de nouveaux succès brillants», a-t-il fait valoir.
A contrario, plusieurs pays de l'Union européenne (UE) se montrés nettement plus critiques. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dénoncé sur Twitter un «harcèlement et une répression violents des manifestants pacifiques [qui] n'ont pas leur place en Europe». «Les droits fondamentaux doivent être respectés en Biélorussie. Je demande aux autorités biélorusses de veiller à ce que les suffrages d'hier soient comptés et publiés avec précision», a-t-elle insisté.
Harassment & violent repression of peaceful protesters has no place in Europe.
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) August 10, 2020
Fundamental rights in #Belarus must be respected.
I call on the Belarusian authorities to ensure that the votes in yesterday’s election are counted & published accurately.
De son côté, un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, repris par l'AFP, a déclaré : «Nous observons avec inquiétude la violence qui a été opposée aux citoyens biélorusses sortis manifester après la clôture des bureaux de vote, et appelons à la plus grande retenue.» Et d'insister : «Il faut que les résultats soient rendus publics de manière complète et transparente.» Par ailleurs, la diplomatie française avait déjà fait part le 7 août de sa «préoccupation sur les conditions du déroulement du scrutin» en l'absence d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de l'Europe.
Le Royaume-Uni a également appelé le gouvernement biélorusse à «s'abstenir de nouveaux actes de violence» à la suite d'élections présidentielles dont il dénonce les «graves irrégularités». «Le Royaume-Uni appelle le gouvernement du Bélarus à s'abstenir de nouveaux actes de violence à la suite des élections présidentielles gravement entachées d'irrégularités», a réagi sur Twitter le ministère britannique des Affaires étrangères, jugeant «totalement inacceptable les violences et les tentatives des autorités bélarusses de réprimer les manifestations».
"The UK calls on the Government of Belarus to refrain from further acts of violence following the seriously flawed Presidential elections"@JamesDuddridge statement following Presidential elections in Belarus & Belarusian authorities’ attempts to suppress protests
— Foreign Office 🇬🇧 (@foreignoffice) August 10, 2020
Lors d'une conférence de presse, le porte-parole de la chancelière allemande, Steffen Seibert, a évoqué les «sérieux doutes» du gouvernement allemand sur le déroulement de l'élection. «Nous avons de sérieux doutes concernant le déroulement et le caractère démocratique de ce vote [...] Les critères démocratiques minimaux pour une élection n'ont pas été remplis», a-t-il souligné, repris par l'AFP. Il a lui aussi condamné «l'usage de la force contre des manifestants pacifiques à Minsk et dans d'autres villes du pays».
Dans un message mis en ligne sur Twitter, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a expliqué avoir «appelé à une réunion extraordinaire du Conseil européen et à une réponse forte de l'UE aux événements de Biélorussie».
Polska wciąż pamięta przełom 1989 r. i zawsze wspiera swoich sąsiadów. Zaapelowałem o zwołanie nadzwyczajnego posiedzenia Rady Europejskiej i zdecydowaną reakcję UE na wydarzenia na Białorusi. Mamy obowiązek solidarnie wspierać Białorusinów.
— Mateusz Morawiecki (@MorawieckiM) August 10, 2020
Selon les résultats préliminaires dévoilés par la Commission électorale, le président sortant Alexandre Loukachenko a été réélu avec 80,23% des suffrages, devant sa rivale Svetlana Tikhanovskaïa (9,9%). Cette dernière a rejeté ces résultats et demandé à ce qu'Alexandre Loukachenko lui cède le pouvoir.
D'après le ministère de l'Intérieur biélorusse, cité par l'agence RIA Novosti, 3 000 personnes ont été arrêtées par la police lors des manifestations en Biélorussie. Plusieurs journalistes, notamment trois pigistes de l'agence vidéo Ruptly ont été interpellés alors qu'ils couvraient le scrutin. Toujours selon le ministère, au moins 50 citoyens et 39 policiers ont été blessés dans les affrontements.