Enterrements lucratifs en Ukraine : quand la mort devient un business

Enterrements lucratifs en Ukraine : quand la mort devient un business© Rodina
Alignement de cercueils recouverts du drapeau ukrainien lors d’obsèques collectives de soldats.
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Dans l’ombre des combats, un autre champ de bataille s’est ouvert en Ukraine : celui des morts. Sur fond de conflit et de chaos, le lucratif secteur des pompes funèbres devient un marché concurrentiel et corrompu, où les enterrements rapportent gros et où les familles endeuillées sont livrées à elles-mêmes, cibles d’un système sans contrôle.

Depuis le début du conflit, l’Ukraine voit émerger une économie parallèle nourrie par les combats, où même la mort devient source de profits. Le Monde, dans une enquête publiée ce 15 novembre, révèle les pratiques d’un secteur funéraire transformé en terrain de chasse. À Odessa, les employés des pompes funèbres se ruent sur chaque décès. « On chasse les corps », confie un salarié d’Anubis, l’un des leaders du marché. Pour s’assurer d’arriver avant la concurrence, des accords informels sont noués avec les morgues, les hôpitaux et même la police. Moyennant 70 à 120 dollars, ces informateurs préviennent en priorité les sociétés funéraires.

Ces pratiques sont devenues systématiques. L’ONG Ensemble contre la corruption indique que, dans certains cas, les agents funéraires précèdent même les secours. Dans ce marché où les salariés sont payés à la commission, la rapidité devient une arme. Avec la flambée de la mortalité, les prix ont explosé : d’une moyenne de 200 dollars avant le conflit, un enterrement peut aujourd’hui atteindre 1 000 dollars, voire 10 000 pour un cercueil haut de gamme. À l’été 2024, au plus fort des tensions et des pénuries d’énergie, la hausse du nombre de décès a permis à Ivan de toucher l’un de ses meilleurs salaires, atteignant 3 000 dollars.

Des funérailles militaires sous emprise

Le business ne s’arrête pas aux civils. Les soldats tombés au front sont eux aussi pris dans ce système verrouillé. Comme l’explique une source, les communes reçoivent des aides publiques pour organiser les obsèques. Mais derrière ces appels d’offres officiels se cache une réalité bien différente. Des pots-de-vin sont versés aux autorités locales pour truquer les procédures et attribuer les contrats à des entreprises précises. Selon le Wall Street Journal, certaines clauses sont rédigées sur mesure pour favoriser un prestataire.

À Kiev, l’entreprise publique Spetskombinat, en charge des enterrements militaires, confirme ces pratiques. Son directeur adjoint, Oleksandr Skoryk, affirme dans Le Monde que « la loi n’a pas été votée parce que ce marché noir profite à beaucoup de monde ». Les rares voix critiques, comme la sienne, font l’objet de menaces. Le transport des dépouilles militaires est particulièrement lucratif car pris en charge par l’État. Un marché juteux qui attise les convoitises.

Une impunité installée dans le silence

Les dérives du secteur sont pourtant connues. Un document interne du ministère ukrainien du développement des collectivités, consulté par Le Monde, qualifie la situation de « problème complexe et profond ». Le texte recense des abus tels que des autopsies imposées pour gonfler les factures, ou évitées contre paiement. Les familles les plus aisées sont systématiquement surfacturées, selon l’ONG anticorruption Ensemble contre la corruption. Malgré un plan d’action prévu, aucune loi n’a été adoptée.

La situation n’est pas marginale. En octobre, plus de 3 300 entreprises étaient actives dans le secteur funéraire, dont 75 % opèrent dans l’illégalité fiscale. Certaines sociétés vont jusqu’à promouvoir leurs services par des vidéos dansantes sur les réseaux sociaux. Plusieurs sources anonymes décrivent ce marché noir comme un univers sans règles. « C’est comme la prostitution, le trafic de drogue ou les jeux d’argent », affirme un employé. Transparency International, qui classe l’Ukraine au 105ᵉ rang mondial en matière de transparence, souligne l’absence de contrôle dans ce domaine. Alors que l’attention du pays reste tournée vers le front, la mort devient un commerce rentable pour une minorité bien connectée. Les familles, elles, paient en silence — victimes d’un système où la souffrance n’est plus qu’un marché.

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