Lutte informationnelle : la France adopte une nouvelle doctrine militaire de cyber-influence (VIDEO)
La ministre des Armées Florence Parly a présenté le 20 octobre une nouvelle doctrine pour mener le combat dans la guerre informationnelle, s'autorisant à user de la dissimulation ou de la ruse pour contrer les attaques de ses adversaires.
La défense française vient de se doter d'un nouveau cadre officiel contre les attaques informationnelles à l'ère des médias sociaux. La ministre des Armées Florence Parly a ainsi présenté le 20 octobre la nouvelle «doctrine militaire de lutte informatique d'influence» visant à encadrer la cyber-influence et contrer celle des adversaires.
«Le champ informationnel est un lieu de compétition stratégique», et «l'information fausse, manipulée ou subvertie est une arme», a expliqué la représentante du gouvernement lors de la présentation de cette doctrine nommée «L21». «La lutte informatique d'influence, cela désigne l'ensemble des opérations militaires conduites en appui de nos forces dans le champ informationnel, pour détecter, caractériser, contrer des attaques pour appuyer la communication stratégique associée à une opération», a-t-elle précisé lors de sa conférence de presse.
Selon la doctrine française, les armées s'autorisent plusieurs types d'action : opérer une «veille de l'espace numérique autour des opérations militaires» pour détecter des attaques informationnelles adverses comme pour mesurer l'état de l'opinion publique, «promouvoir l'action des forces armées sur les médias sociaux», «contrer les attaques informationnelles adverses s'opposant à l'action de nos forces pour les faire cesser ou en atténuer les effets», ou encore «dénoncer les incohérences ou mensonges de l'adversaire». Ces tâches sont dévolues à des unités militaires spécialisées du Centre interarmées des actions sur l'environnement (CIAE), sous le contrôle du Commandement de la cyberdéfense (COMCYBER).
Un précédent en Centrafrique
Ces actions d'influence des armées seront circonscrites aux théâtres d'opérations extérieures et ne seront pas exercées sur le territoire national, a assuré Florence Parly. Les armées françaises ne s'interdisent par ailleurs pas de recourir à la «déception», à savoir induire l'adversaire en erreur par la dissimulation ou la ruse. Toutefois, «nous mettrons en œuvre ces opérations en veillant à ce qu'elles soient en parfait accord avec nos principes et nos valeurs», a insisté la ministre, promettant que les armées françaises ne déstabiliseront pas un Etat étranger à travers des actions informationnelles qui viseraient par exemple des processus électoraux.
La France semble néanmoins avoir déjà recours à ce type de manœuvre, avec plus ou moins de discrétion : en décembre 2020, Facebook avait supprimé publiquement trois réseaux de désinformation gérés depuis la Russie et la France, dont un ayant des connexions avec l'armée française. Ce dernier était accusé de mener des opérations d'interférence en Centrafrique, diffusant en français et en arabe des messages pour défendre les politiques françaises en Afrique et critiquer celles des Russes, comme l'avait confirmé un rapport de l'Internet Observatory de Stanford : «En créant des faux comptes et des fausses pages anti-fake news pour combattre les trolls, les intervenants français ont perpétué et implicitement justifié le comportement problématique qu'ils entendaient combattre.»