Vente de Rafale à l'Inde : le PNF accusé d'avoir «enterré» des soupçons de corruption
- Avec AFP
Le site Mediapart affirme que l'ancienne procureur de la République financier Eliane Houlette a refusé d'enquêter sur la vente d'avions Rafale à l'Inde, malgré le signalement d'une ONG dénonçant des soupçons de corruption et de favoritisme.
Dans une série d'articles publiés du 4 au 8 avril, le site Mediapart accuse le Parquet national financier (PNF) et l'Agence française anticorruption (AFA) d'avoir «enterré» des soupçons de corruption portant sur la vente d'avions Rafale à l'Inde, en dénonçant «une affaire d'Etat». Le site d'information affirme que l'ex-chef du PNF Eliane Houlette a refusé en juin 2019 d'enquêter sur la vente des Rafale en septembre 2016 à l'Inde, contre l'avis de son adjoint qu'elle avait chargé d'analyser un signalement d'octobre 2018 de l'ONG Sherpa dénonçant des soupçons de corruption et de favoritisme.
«On n'ouvre pas sur de simples suspicions non étayées», avait répondu Eliane Houlette à Paris Match en juillet 2020, ajoutant qu'il «faut bien peser les choses, préserver les intérêts de la France, la marche des institutions». «Ce dossier a été classé sans suite pour absence d'infraction» par l'ancienne chef de l'institution judiciaire, a de son côté répondu le PNF, refusant de commenter la supposée divergence interne à l'époque.
Des millions d'euros de commissions occultes
Mediapart assure en outre que l'AFA n'a pas signalé à la justice avoir «découvert» que «juste après la signature du contrat des Rafale, l’avionneur [Dassault] a accepté de payer 1 million d'euros à un intermédiaire, Sushen Gupta, mis en examen en Inde dans une autre affaire de ventes d’armes». «L’avionneur justifie ce versement par un achat de maquettes de Rafale à la réalité douteuse», précise le site. L'AFA n'a pas souhaité commenter.
Mediapart affirme également que ce même intermédiaire a aidé Dassault à conclure la vente en se «procurant des documents confidentiels du ministère de la Défense indien» sur la proposition d'un concurrent qui a «aidé Dassault à revoir son offre à la baisse et [à] décrocher in fine le contrat». L'intermédiaire aurait été récompensé par «des millions d'euros de commissions occultes» dont «une partie [...] aurait pu être reversée sous forme de pots-de-vin» à des officiels indiens. Dans un communiqué le 8 avril, Dassault a assuré que «des nombreux contrôles sont exercés par des organismes officiels parmi lesquels l’AFA» et qu'«aucune infraction n’a été signalée, notamment dans le cadre de [ce] contrat».
François Hollande avait balayé les soupçons de conflit d'intérêts
Fin 2018, Sherpa avait demandé au PNF d'enquêter sur les soupçons entourant cette vente, dénonçant en particulier le choix du partenaire indien, Reliance, entreprise d'un homme d'affaires proche du Premier ministre indien Narendra Modi. Au moment de la vente, l'entreprise avait financé un film co-produit par Julie Gayet, compagne du président de l'époque, François Hollande. Ce dernier s'était défendu de tout conflit d'intérêts, affirmant que la France n'avait «pas eu le choix» du partenaire indien de Dassault.
Jean-Yves Le Drian, actuel ministre français des Affaires étrangères et ancien ministre de la Défense sous François Hollande, avait affirmé plusieurs fois que Paris n'avait subi «aucune pression» de New Delhi. Le Monde a révélé mi-avril 2019 que la France avait annulé en 2015 un redressement fiscal visant Reliance au moment où se négociait cette vente. L'affaire a suscité une forte polémique et une enquête en Inde.