Au Niger, la méfiance demeure face à la Cédéao malgré la levée des sanctions
- Avec AFP
Deux semaines après la levée des sanctions imposées au Niger par plusieurs de ses voisins, l’économie nigérienne redémarre lentement, mais les militaires restent sur leurs gardes.
À la frontière, les obstacles placés en prévision d’une éventuelle intervention militaire de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) barrent toujours la route du Niger à Gaya (sud-ouest), sur le pont reliant ce pays au Bénin.
Le bras de fer politique et économique entre Niamey et la Cédéao, qui a réclamé en vain la libération du président déchu Mohamed Bazoum et le retour à l’ordre constitutionnel, dure depuis le coup d'État l'ayant renversé le 26 juillet 2023.
Camions bloqués, pénuries de liquidité, de produits alimentaires et de médicaments, coupures d’électricité, vols perturbés… La levée des sanctions les plus lourdes «pour des raisons humanitaires» a été accueillie avec soulagement par les habitants et commerçants de Niamey, qui constatent déjà une amélioration de la fourniture d’électricité.
«Faillite»
Le Nigeria, qui fournissait au moment du coup d’État environ 70% de l’électricité du Niger, avait brusquement interrompu sa fourniture, provoquant des coupures de courant qui avaient affecté l’économie du pays.
Depuis début mars, «le réseau de la Société nigérienne d’électricité (Nigelec) est reconnecté à la ligne électrique haute tension» longue de 820 kilomètres entre Niamey et Birnin-Kebbi au Nigeria, affirme à l’AFP une source proche de la Nigelec.
«Depuis [le 1er mars], nous n’avons enregistré aucune rupture d'électricité. Notre usine tourne à plein régime car on essaie de rattraper les pertes de production engendrées par plus de six mois de perturbations», explique Saley Moussa, employé d’une usine de fabrication de sodas à Niamey.
Dans la foulée de la Cédéao, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) a également levé ses sanctions impliquant notamment le gel des avoirs de l'État du Niger et la suspension des transactions financières en sa faveur.
Pendant des mois, de longues files d’attente s’étaient formées dans les principales banques du pays. Les clients étaient contraints de patienter plusieurs heures pour retirer des sommes d’argent limitées.
«Les transactions bancaires sont désormais possibles avec les banques étrangères», a confirmé à l’AFP le responsable d’une banque de Niamey, même si le versement de certains salaires dans la fonction publique accuse encore du retard.
«Non-événement»
La levée des sanctions pouvait laisser entrevoir une reprise du dialogue avec les militaires au pouvoir au Niger, au Burkina Faso et au Mali qui ont annoncé leur retrait de la Cédéao fin janvier.
En même temps qu’il annonçait leur levée le 24 février, le président nigérian Bola Tinubu exhortait ces trois pays à reconsidérer leur décision et à ne plus considérer l’organisation comme une ennemie.
Mais la méfiance demeure. «Je ne veux pas commenter une décision d’une organisation à laquelle le Mali n’appartient pas», a ainsi déclaré le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.
L’annonce de la Cédéao est un «non-événement» pour Niamey, qui envisage toujours la possibilité d’une éventuelle intervention militaire depuis les pays voisins, selon une source gouvernementale.
Le pragmatisme économique laisse toutefois entrevoir une ouverture prochaine des frontières. Avant le coup d’État de juillet, le corridor béninois accueillait 80% du fret nigérien via le port de Cotonou, situé à un millier de kilomètres de Niamey. Ce port constitue également le terminal d’un oléoduc géant inauguré en novembre qui doit permettre au Niger d’exporter 90 000 barils de brut par jour.
Le 5 mars, une délégation nigérienne a visité les installations douanières de part et d’autre de la frontière avec le Bénin.
Si l’espace aérien reste fermé aux vols en provenance ou à destination du Nigeria, la compagnie aérienne panafricaine Asky basée au Togo et Air Côte d'Ivoire ont annoncé le 2 mars la reprise de leurs liaisons vers Niamey.