Ouverture d'ambassades, nouvelles liaisons aériennes : la Russie resserre ses liens avec l'Afrique
Lors d'un entretien avec l'agence TASS publié le 13 février, le directeur du département Afrique du ministère russe des Affaires étrangères a détaillé les dernières initiatives en date de la politique africaine de Moscou.
«La zone Afrique est en train de devenir l'une des plus animées dans la politique extérieure russe, et cela est dû pour beaucoup à l'attention que lui accordent la tête de l'État et du ministère», a déclaré le 13 février à l'agence TASS Vsévolod Tkatchenko, directeur du département Afrique du ministère russe des Affaires étrangères.
Un élargissement de la présence russe «sur tout le continent africain»
«L'année passée a exigé de nous des efforts extrêmes», a rappelé le diplomate, évoquant l'organisation du deuxième sommet Russie-Afrique les 27 et 28 juillet, précédée de la conférence parlementaire Russie-Afrique les 19 et 20 mars. À ces événements se sont ajoutées «de nombreuses visites bilatérales à différents niveaux de l'État, à Moscou comme en Afrique».
Conséquence de ce rapprochement selon Vsévolod Tkatchenko : l'augmentation «exponentielle» des questions nécessitant une réponse rapide, provoquant elle-même une augmentation des effectifs diplomatiques destinés à les traiter. Ces derniers sont le plus souvent «des africanistes qui ont fait des missions de terrain», précise-t-il, même si l'on rencontre des agents «venant d'affectations considérées comme plus prestigieuses». «L'Afrique attire davantage les jeunes diplomates», observe-t-il.
L'élargissement de la présence diplomatique russe «sur tout le continent africain» a été acté dans la foulée du sommet de l'été 2023 et elle est en train d'être déployée, a encore expliqué le diplomate : une ambassade a ouvert ses portes au Burkina Faso et une autre le sera prochainement en Guinée équatoriale.
Le troisième sommet Russie-Afrique est d'ailleurs prévu «en 2026 dans un pays du continent africain», indique le directeur, sans donner plus de précision sur le pays hôte. En 2024, la prochaine échéance est la préparation pour cet automne d'une réunion des ministres des Affaires étrangères dans le cadre du format Russie-Afrique. Un des domaines de coopération privilégié est celui de l'agriculture.
La Russie veut contribuer à la sécurité alimentaire africaine
«La Russie continue à attacher une grande importance au renforcement de la sécurité alimentaire mondiale», a insisté Vsévolod Tkatchenko. Lors du sommet du mois de juillet dernier, le président russe avait annoncé la livraison gratuite d'aide alimentaire à six pays africains à hauteur de 25 à 50 000 tonnes de blé. En novembre, la Somalie a perçu sa part, suivie en janvier par le Burkina Faso, le Mali, le Zimbabwe, l'Érythrée et la République centrafricaine. Le diplomate a dénoncé des tentatives occidentales d’immobiliser illégalement plus de 96 000 tonnes d’engrais russes dans les ports de Lettonie, d’Estonie et de Belgique.
Cette situation fait suite à la suspension à la mi-juillet 2023 de la participation de la Russie à l'initiative de la mer Noire, celle-ci ayant estimé que les termes de l'accord la concernant n'étaient pas respectés. Signé en juillet 2022, sous l’égide de l’ONU et avec le concours de la Turquie, cet accord permettait à l’Ukraine de poursuivre ses exportations de céréales et denrées alimentaires à travers la mer Noire. Parmi les demandes de Moscou figuraient la levée des sanctions occidentales sur ses exportations d’engrais et de produits alimentaires, la reconnexion au système Swift de Rosselkhozbank – une banque publique d'investissement dans le secteur agricole – ou encore la reprise des livraisons de matériel agricole et de pièces détachées.
«Problèmes africains, solutions africaines»
Interrogé sur la sortie du Niger, du Mali et du Burkina Faso de la Cédéao, Vsévolod Tkatchenko a estimé qu'il revenait aux États africains de trouver une solution, tout en espérant que la Cédéao et l'Alliance des États du Sahel, formée des trois pays sortants, trouveraient un terrain d'entente. Il a réaffirmé le «principe intangible» de la diplomatie russe : «Aux problèmes africains, des solutions africaines.»
Le diplomate en a profité pour condamner l'attitude des Occidentaux, qualifiée de «néocolonialiste», «méprisante et consommatrice». Toujours selon lui, les anciens «maîtres» ne peuvent se résoudre à accepter que l'Afrique devienne un «acteur indépendant de la politique mondiale», qui est en droit de déterminer par lui-même ses modes de développement, ses valeurs et ses partenaires extérieurs. Et plus encore, de jouer un rôle diplomatique mondial. «Nous apprécions les efforts de différents pays et unions pour permettre une résolution pacifique de la crise ukrainienne», a salué le diplomate, évoquant l'initiative de paix africaine de juin 2023. Moscou était «prêt à la prendre en compte dans son travail», a-t-il ajouté.
Tourisme et études : intensification des échanges de personnes
De nouvelles destinations vont être proposées aux touristes russes, telles que la Namibie, l'Éthiopie, le Sénégal et la Sierra Leone. Elles s'ajouteront à celles déjà accessibles : Kenya, Tanzanie, Île Maurice, Seychelles et Afrique du Sud. La Gambie, quant à elle, à ouvert un régime sans visa pour les touristes russes, suivie par l'Angola en septembre 2023. Le flux global des touristes russes en Afrique a progressé de 30% en 2023 par rapport à l'année précédente.
Les Africains, quant à eux, vont pouvoir envoyer davantage d'étudiants en Russie, Moscou prévoyant à la rentrée 2024/2025 d'augmenter leurs quotas pour les États africains intéressés. Le nombre actuel d'étudiants africains en Russie atteint aujourd'hui 34 000, dont 7 000 sont intégralement financés par l'État russe. Le nombre d'arrivées a doublé ces dernières années : 4 580 ont intégré l'université russe en 2023, alors qu'ils n'étaient que 2 124 en 2022.