Le braquage du Louvre n’est pas une surprise

Le braquage du Louvre n’est pas une surprise Source: Gettyimages.ru
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Derrière le braquage spectaculaire du Louvre, Alexandre Regnaud pointe une vérité dérangeante : celle d’un patrimoine français en grand danger, pour sa sécurité comme dans son existence même, entre manque de moyens et incompétence de l’État.


Le braquage spectaculaire du Louvre le 19 octobre et le vol de bijoux de la collection impériale passionnent et renvoient l’inconscient collectif aux plus populaires films de cambriolage et à leurs monte-en-l’air charismatiques. Il n’a pourtant rien d’hollywoodien et s’inscrit dans une tendance à la dégradation de la sécurité et, d’une manière générale, de l’état du patrimoine français.

Le constat est fait par la ministre de la Culture, Rachida Dati : « La criminalité organisée aujourd’hui s’attaque aux objets d’art […] les musées sont devenus des cibles. »

Et c’est un fait : le cas du Louvre est loin d’être isolé.

Pour prendre les exemples les plus récents, en septembre, le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris s’est fait dérober plusieurs spécimens d’or natif pour un préjudice d’environ 600 000 euros. Le même mois, un musée de Limoges spécialisé dans la porcelaine a été cambriolé pour un préjudice estimé à 6,5 millions d’euros.

Les chiffres les plus récents du ministère de la Culture concernent 2023 et recensent le vol d’un total de 55 « objets mobiliers » (œuvres d’art, orfèvrerie, meubles, etc.) inscrits ou classés au titre des monuments historiques. Et 97 l’année précédente, un record.

En 2022, un rapport sénatorial soulignait la vulnérabilité particulière des églises, propriétés de l’État en France. L’avenir lui a donné raison, puisqu’on note + 35 % de vols dans les églises au premier semestre 2025 par rapport à 2024, faisant déjà suite à une augmentation de 24 % des vols entre 2022 et 2024. Dans l’Aisne, 20 églises ont été cambriolées début 2025, vingt autres dans les Landes et sept dans les Pyrénées-Atlantiques.

Une tendance parfaitement connue du ministère de la Culture, qui y fait référence sur son propre site internet. Tout comme elle est connue du nouveau ministre de l’Intérieur et ancien préfet de police de Paris, Laurent Nuñez : « On sait très bien qu’il y a une grande vulnérabilité dans les musées français. »

Comment l’ignorer en effet, quand les salariés du Louvre étaient précisément en grève le 16 juin 2025 pour dénoncer le « manque de personnel pour assurer la sécurité ». Une situation que même le visiteur attentif (et le braqueur potentiel) peut appréhender, de nombreuses salles étant régulièrement fermées par manque d’effectifs de surveillance.

En France, la sécurité des musées et monuments repose sur la responsabilité de leurs propriétaires, publics ou privés. Et donc principalement sur leur capacité à financer ces mesures. Or, les collectivités territoriales et les propriétaires privés manquent évidemment de moyens. Et ce n’est pas mieux pour l’État. Les musées et monuments sont donc sécurisés a minima, quand ils ne tombent pas tout simplement en ruine.

Ainsi, même pour le prestigieux Louvre, un rapport de la Cour des comptes, non encore publié mais ayant fuité suite au braquage, révèle un retard persistant du plan de sécurisation, faute d’investissement. De manière incroyable, 60 % des salles de l’aile Sully et 75 % de celles de l’aile Richelieu ne sont toujours pas équipées de caméras de surveillance. Par ailleurs, la présidente Laurence des Cars alertait dans une note de janvier 2025 sur la « vétusté » du musée et « l’obsolescence [des] équipements ».

Face à cette honte nationale, que le monde entier peut constater dans un des musées les plus visités de la planète, l’État répond que le budget du patrimoine était en hausse en 2024.

Mais un rapport du Sénat précise que les deux tiers des crédits supplémentaires servent à compenser l'inflation et la hausse des coûts de l'énergie. Qui plus est, la plupart des crédits sont déjà consommés pour les années en cours, voire pour l'année suivante, et sont en général fléchés sur des opérations médiatiques. La restauration de Notre-Dame (dont l’état défectueux du système d’alerte incendie, faute d’entretien, est une des causes du drame) en est le meilleur exemple.

Par ailleurs, certains grands établissements, comme le Louvre ou Versailles, ont vu leurs subventions de fonctionnement réduites. Pour le Louvre, la subvention de l’État est passée de 111 millions d’euros en 2022 à 96 millions d’euros en 2024. Et alors que 100 millions d’euros sont nécessaires pour les travaux de restauration prioritaires, seuls 26 millions étaient assurés en 2024.

Alors, pour compenser sa totale inefficacité faute de moyens, le ministère fait des fiches-conseils et les met en ligne sur son site. Il met aussi à disposition un « conseiller sûreté national », avec le grade de commandant de police, et même deux « conseillers sécurité incendie », issus de la BSPP : soit trois personnes pour… l'ensemble du territoire et près de 45 000 sites.

Le résultat, ce sont les vols dont vous venez de lire les chiffres, y compris celui du Louvre, mais aussi, et surtout, la dégradation irrémédiable de l’ensemble du patrimoine français, mobilier et immobilier.

Au Louvre toujours, il suffit de faire un tour dans les galeries et de voir, par exemple, l’état de dégradation des peintures de Géricault, dont le célèbre Radeau de la Méduse. Quand on compare avec les œuvres exposées à la National Gallery de Londres ou au Musée royal de Bruxelles, par ailleurs tous deux gratuits contre les 22 euros d’entrée du Louvre, il y a de quoi s’interroger.

D’une manière générale, 20 % des 45 000 monuments historiques sont en mauvais état et 5 % (soit environ 2 000 sites) sont considérés comme étant en péril. Parmi les 15 000 édifices religieux classés, 4 000 sont « en danger ».

Moralité : au lieu de payer des missiles à la junte de Kiev pour bombarder les civils du Donbass, le gouvernement français ferait mieux d’utiliser l’argent d’impôts déjà confiscatoires pour protéger le patrimoine, l’héritage culturel français et les joyaux de la couronne — enfin, ceux qui n’ont pas encore été volés du fait de son habituelle incompétence.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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