Karine Bechet, docteur en droit public (France), présidente de l'association Comitas Gentium France-Russie, animatrice du site Russie Politics.

Macron, la fin du contrat démocratique : l’État contre la nation

Macron, la fin du contrat démocratique : l’État contre la nation Source: Gettyimages.ru
Emmanuel Macron
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Six gouvernements en trois ans, un président en rupture avec les urnes : pour Karine Bechet, le macronisme a rompu le pacte fondateur de la Ve République. La France ne serait plus gouvernée par la majorité, mais par une caste globaliste – contre le peuple, coupée de la nation.

Lors de la deuxième présidence Macron, à compter de 2022, six gouvernements se sont succédé : le gouvernement Borne (1 an et presque 8 mois), le gouvernement Attal (presque 8 mois), le gouvernement Barnier (3 mois), le gouvernement Bayrou (presque 10 mois), les deux gouvernements Lecornu (27 jours) – dont le dernier a tenu moins de 24 heures.

L’instabilité gouvernementale, et donc politique, est flagrante. La présidence Macron rivalise dès lors avec les Républiques parlementaires antérieures, dont le régime d’assemblée conduisait à rendre le pays ingouvernable. La moyenne de vie d’un gouvernement sous la deuxième présidence Macron est de 8,2 mois (sans tenir compte du dernier gouvernement Lecornu, de quelques heures), quand elle était de 8,1 mois sous la IIIᵉ République et de 6 mois sous la IVᵉ.

Lors des dernières élections législatives de 2024, le président Macron a nommé un gouvernement qui ne respectait pas les résultats électoraux, mettant l’exécutif en opposition avec le législatif, tout en exigeant la soumission de ce dernier – l’accusant de mettre en danger le fonctionnement de la République. Si la Vᵉ République a déjà connu des régimes de cohabitation, quand le président et le gouvernement se trouvent dans des familles politiques différentes, Macron a mis tout l’exécutif en « divorce » avec la volonté populaire exprimée dans les urnes. Il est impossible de parler ici de « cohabitation », puisque, justement, les institutions ne « cohabitent » plus.

Cette décision n’est pas anodine : elle exprime une rupture avec le principe démocratique, qui doit fonder notre société et légitimer le pouvoir étatique. L’idée de la démocratie est celle de la gouvernance par la majorité.

Le principe majoritaire s’exprime, lui, par l’intermédiaire de l’institution des élections, qui doivent permettre de faire émerger ce qui sera appelé la volonté populaire. C’est une démocratie indirecte. Une démocratie directe, tant appelée de ses vœux par les populations en période de crise politique, est techniquement impossible à mettre en place à grande échelle. Comment déterminer la volonté populaire sur chaque question politique ? Ce ne serait que le régime d’une minorité activiste. Le pays serait ingouvernable. En revanche, des éléments de démocratie directe, par l’intermédiaire des référendums populaires, permettent de corriger l’action publique sur des sujets importants de société.

Dans tous les cas, la démocratie est un mode de gouvernance majoritaire. Or, en nommant, en 2024 et depuis, des gouvernements qui ne correspondent pas à ce principe, Macron a violé le principe démocratique de notre société. Il l’a remplacé, dans la logique globaliste, par le principe minoritaire : une minorité doit gouverner le pays, et la majorité doit se soumettre à la volonté de cette minorité. Mais quelle est cette minorité ?

Il ne s’agit pas d’un système élitiste, devant conduire au gouvernement des « meilleurs », ni au gouvernement des plus « sages ». Il s’agit banalement de la mise en place d’un « gouvernement de caste », non pas sociale, mais idéologique – même si les deux peuvent se recouper.

La faiblesse de cette caste globaliste est qu’elle ne peut pas ouvertement déclarer, sauf à perdre toute légitimité, qu’elle va gouverner contre l’intérêt national, contre le peuple, tout en entendant utiliser les mécanismes étatiques et la population nationale à des fins extérieures, dans l’intérêt d’une minorité contre la majorité. Il lui est donc impossible – pour l’instant – de créer un « parti globaliste ».

Mais pour accéder au pouvoir et ensuite le conserver, elle est obligée de passer par les mécanismes démocratiques, notamment celui de l’élection. Or, par principe, l’élection permet de dégager le principe majoritaire. C’est bien pourquoi la véritable ligne de fracture idéologique, qui se trouve entre « étatistes » et « globalistes », traverse tous les partis politiques français. Ainsi, la caste globaliste a pu infiltrer les institutions publiques.

Pour autant, l’illusion ne dure qu’un temps, et les visages commencent à être (re)connus. De là découle l’instabilité gouvernementale en France, qui devient chronique, puisque le paysage politique ne correspond plus au véritable visage du pays. Macron, qui a disparu des écrans en laissant Lecornu monter en première ligne, a annoncé la prochaine nomination d’un nouveau Premier ministre. Les bruits concernant la reconduction de Lecornu ont été démentis ; lui-même a déclaré ne pas vouloir rempiler. Les figures qui ne sont pas marquées et pourraient avoir un minimum de crédibilité se font de plus en plus rares. Les anciens proches de Macron, comme Gabriel Attal et Édouard Philippe, le lâchent ouvertement.

Macron est trop toxique. Mais changer de visage sans changer de ligne idéologique, tout en utilisant au moins formellement les mécanismes démocratiques et sans provoquer un mouvement de rejet, devient quasiment impossible. Le problème qui se pose pour un Premier ministre globaliste acceptable est le même que pour un président globaliste éligible.

Les élites globalistes sont ici aussi dans une impasse : elles ne peuvent avancer à terrain découvert, et les menaces politico-médiatiques (sanitaire ou russe) ne sont plus suffisantes pour forcer une consolidation temporaire, tant des élus que du peuple, fondée sur la peur.

Or, ces élites sont politiquement trop faibles et illégitimes à l’intérieur des pays qu’elles gouvernent pour pouvoir annoncer la fin des régimes démocratiques, même devenus virtuels.

Cette impasse ouvre la voie à la restauration de l’intérêt national, s’il se trouve des hommes et des femmes politiques capables de ramener le pays sur la voie de la souveraineté. En tout cas, c’est le moment.

 

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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