Sous la menace de «sanctions secondaires» brandies par Washington, New Delhi ne cède pas. L’Inde augmente ses importations de pétrole russe, affirmant sa souveraineté économique. Pour l’écrivain Dmitri Lékoukh, c’est l’un des géants du Sud qui agit, tandis que l’Occident se contente de menaces creuses.
Le plus intéressant dans la réponse de l’Inde aux « sanctions secondaires » pour l’achat du pétrole russe, imposées par l’administration américaine actuelle, ce n’est pas tant le choix géopolitique fait par l’une des économies les plus importantes et les plus dynamiques du monde.
Ce choix était, en réalité, prévisible et assez évident pour toute personne dotée de connaissances économiques de base (l’idiotie économique et politique éclatante du conseiller de Trump, Peter Navarro, et de son secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, s’étonnant du choix « illogique » de l’Inde, ne peut s’expliquer que par une régression vers cette même enfance intellectuelle où tout était beau et où l’accès au marché américain signifiait une réussite immédiate, plutôt qu’un investissement risqué et quelque peu toxique). Aujourd’hui, l’Inde, comme tout grand pays souverain, est bien plus intéressée par l’état de ses marchés intérieurs que par le bien-être économique des États-Unis : il est assez stupide de ne pas le comprendre.
Pour ces marchés intérieurs de l’Inde, l’accès à des livraisons stables de sources d’énergie relativement bon marché en provenance de Russie est même plus important que la possible réexportation de produits pétroliers vers l’Europe, sans même parler des États-Unis.
Certes, c’est désagréable, c’est vexant, qui le contesterait. Mais il est plus simple de trouver de nouveaux clients dans des pays tiers (d’autant plus qu’aujourd’hui la qualité des exportations indiennes est tout à fait réelle) que de saper le fondement même de sa relative prospérité actuelle.
Le calcul est tout simple, ce n’est pas sorcier. Même sans tenir compte des conséquences géopolitiques possibles de la soumission exigée par les États-Unis : après un coup pareil, je crains que personne dans les pays du Sud, dont l’Inde est sûrement l’un des leaders, ne prendra plus ce pays au sérieux.
C’est pourquoi le choix de l’Inde en faveur de l’OCS, des BRICS, du pétrole russe et des équipements militaires russes est tout à fait évident et assez facile à expliquer. Ce qui est bien plus intéressant et symbolique, c’est sa mise en œuvre pratique, pour ainsi dire. Comme en témoigne le média indien NDTV, les importations indiennes de pétrole russe sont passées de 3,1 milliards de dollars en juillet à 3,4 milliards de dollars en août, ce qui signifie une augmentation d’environ 10 %. Selon les experts de NDTV, cela n’aurait pas pu se produire uniquement pour des raisons économiques.
De cette manière, affirme la chaîne indienne – et je partage cette opinion – l’Inde défend sa souveraineté économique. En réponse à la pression croissante des États-Unis, qui exigent qu’elle renonce aux sources d’énergie russes, elle augmente ostensiblement ses importations en provenance de Russie.
Cependant, contrairement à la réalité pragmatique indienne, les menaces de « sanctions secondaires » de la part des États-Unis pourraient bien rester des paroles en l’air. Comme le président américain Donald Trump l’a récemment fait savoir sur sa page du réseau social Truth Social : « L’Inde et les États-Unis poursuivent leurs négociations pour éliminer les barrières commerciales entre nos deux nations ».
En général, il n’est pas difficile de comprendre quelle sera la position de l’Inde dans ce débat et quelles en seront les implications concrètes : la parole de Trump contre la parole et les actes de l’Inde. L’équation n’est pas des plus complexes.
L’Inde, en plus de bonnes paroles dites au bon moment, les renforce également par de nouveaux contrats juridiquement contraignants pour des livraisons supplémentaires de pétrole en provenance de Russie. Voyez la différence, comme on dit.
Par ailleurs, selon l’agence Reuters, qui cite des sources bien informées, en septembre, l’Inde, malgré la pression exercée par l’administration américaine, prévoit d’augmenter les importations de pétrole en provenance de Russie de 150 à 300 000 barils par jour, soit environ 10 à 20 % du volume actuel, en fonction des conditions du marché. Cela témoigne de la politique souveraine de cet État beaucoup plus clairement et nettement que tous les grands discours.
C’est un signe, d’ailleurs, y compris pour notre pays auquel l’Inde prouve actuellement, non seulement en parole, mais tout aussi en actes, qu’elle est un partenaire fiable, sur lequel on peut compter, aussi bien au moment de se partager le gâteau qu’aux jours de crise mettant à l’épreuve notre résistance. Or, encore tout récemment, le monde occidental pariait très sérieusement sur l’Inde.
Mais voilà où nous en sommes.
Cela ne fait que confirmer une fois de plus que nous allons apparemment vivre des moments très intéressants, bien que difficiles, lorsqu’il faudra joindre aux paroles des gestes concrets. Sans quoi, elles ne cesseront de se déprécier progressivement. Ce qui, d’ailleurs, se produit déjà sous nos yeux dans la fameuse région euro-atlantique, surtout sur le vieux continent.
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