Karine Bechet, docteur en droit public (France), présidente de l'association Comitas Gentium France-Russie, animatrice du site Russie Politics.

Spoliation des actifs russes : le libéralisme est mort, vive... quoi ?

Spoliation des actifs russes : le libéralisme est mort, vive... quoi ?
Spoliation des actifs russes : le libéralisme est mort, vive... quoi ? [image d'illustration générée par l'intelligence artificielle]
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Discrètement, Londres a franchi le pas : plus d’un milliard d’actifs russes gelés ont été transférés à l’Ukraine. Pour Karine Bechet, ce geste consacre la fin du libéralisme occidental et l’effondrement du principe même de l’État de droit.

Alors que l’on en entendait parler depuis longtemps, sans qu’aucun pays n’ose faire le grand saut, la Grande-Bretagne l’annonce officiellement : « Plus d’un milliard de livres sterling d’actifs russes gelés ont été utilisés pour soutenir militairement l’Ukraine ». Autrement dit, le monde est au bord du gouffre, et je lui ferai faire un grand pas en avant...

L’information est discrètement publiée : elle apparaît sur le site du gouvernement britannique, qui reprend les propos du secrétaire d’État à la Défense John Healey. Très peu de médias en parlent en Occident. Ce qui pourrait sembler surprenant pour une nouvelle d’une telle importance.

Souvenons-nous que le Trésor américain enjoignait les Européens à franchir le pas, puisque l’essentiel des actifs russes est bloqué en Europe, sans pour autant que les États-Unis soient eux-mêmes prêts à le faire. Le 30 août encore, Kallas rappelait que l’Europe manquait cruellement de fonds pour financer le front ukrainien. Or, la guerre doit continuer, les Globalistes n’ont pas le choix.

La dimension financière de la guerre en Ukraine contre la Russie devient de plus en plus sensible avec la présidence Trump, puisqu’à la différence de l’administration Biden, celle-ci entend transférer le coût de cette guerre atlantiste sur les Européens. Ces derniers se voient obligés d'augmenter significativement leur budget de défense et d’acheter des armes américaines, puisque, de toute manière, l’Europe désindustrialisée n’est pas en mesure d’assurer régulièrement les besoins de l’armée atlantico-ukrainienne, malgré la remilitarisation de l’Allemagne.

Et ces deux aspects, financier et militaire, sont ouvertement reconnus par les Britanniques comme allant de pair. Parallèlement à l’annonce du transfert du produit des actifs russes à l’Ukraine, ils insistent sur ces forces qui seraient envoyées sur le front « après le cessez-le-feu », en toute logique orwellienne de « la paix, c’est la guerre » : « La Grande-Bretagne réexamine le niveau de préparation au combat de ses forces armées, qu’elle compte envoyer en Ukraine en cas de cessez-le-feu. »

La paix, c’est la guerre. Dès lors, ce n’est plus le droit de la paix qui s’applique, mais celui de la guerre. Donc celui de l’ennemi, c’est-à-dire la négation du droit à l’égard de l’ennemi. Mais comme l’Occident n’a pas formellement déclaré la guerre à la Russie, cela remet en cause le fondement même de cet Occident, se reniant alors lui-même. Cet Occident libéral, dont la gouvernance des pays est soi-disant fondée sur l’État de droit. C’est pourquoi certains pays refusent encore ouvertement – pour l’instant – de spolier le produit des actifs russes, après avoir spolié les actifs eux-mêmes.

Comme le prévient très justement le président russe Vladimir Poutine : « Ceux qui sont plus intelligents ne veulent pas [s’emparer des avoirs gelés de la Fédération de Russie]. Oui, c’est vrai, sans ironie et sans vouloir attaquer les imbéciles. Car les plus intelligents sont ceux qui s’occupent de finance et d’économie. Ils comprennent que cela détruirait complètement tous les principes de l’activité financière internationale et causerait, sans aucun doute, un préjudice considérable à l’économie mondiale et à la finance internationale. »

Transférer le produit des actifs russes est en soi une violation des règles du droit civil, droit sur lequel repose l’idéologie libérale. Selon ces principes, le droit de propriété est inviolable – sauf fondement juridique établi par une décision de justice ou volonté souveraine du propriétaire.

Or, aucune juridiction légitime n’a de fondement juridique pour retirer à la Russie l’exercice de son droit de propriété. Et la Russie, évidemment, ne renonce pas à ce droit, elle n’a pas fait don de ses actifs aux Globalistes.

De plus, toujours selon les principes du droit civil, le droit de propriété détenu sur un bien s’étend logiquement aux produits de ce bien, sauf volonté contraire du propriétaire, qui peut en faire donation. Ce qui n’est pas le cas de la Russie.

Ainsi, qu’il s’agisse de l’atteinte portée aux actifs russes ou de la décision de transférer le produit de ces actifs, nous sommes bien dans le cadre d’une violation des règles de droit civil.

Cette violation est une négation de l’État de droit, puisque le fondement de l’État de droit est l’impératif, pour les organes étatiques, de respecter les règles légalement et légitimement édictées.

De plus, dans la mesure où le libéralisme, qui fonde nos sociétés occidentales depuis le XIXᵉ siècle, s’appuie sur une domination du civil, notamment sur le principe de l’inviolabilité du droit de propriété, c’est bien le libéralisme qui est atteint par cette décision britannique.

C’est donc le fondement idéologique même de nos sociétés occidentales qui est remis en cause par le transfert du produit des actifs russes par la Grande-Bretagne à l’Ukraine. L’ampleur des conséquences d’une telle décision reste encore à évaluer.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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