Pour Karine Bechet-Golovko, les négociations autour de l’Ukraine relèvent d’un «soap-opéra diplomatique» orchestré par les Globalistes : sous couvert de dialogue, il ne s’agit que de gagner du temps, renforcer l’armée ukrainienne et maintenir l’agenda atlantiste.
Les rencontres s’enchaînent à un rythme effréné. Dans la foulée du sommet Trump-Poutine en Alaska, Zelensky fut convoqué à la Maison Blanche avec les leaders européens, eux-mêmes encadrés par le secrétaire général de l’OTAN et la présidente de la Commission européenne. Ainsi, les échelons régionalisés de la gouvernance globale étaient réunis pour discuter de l’avenir du conflit en Ukraine.
Ce qu’ils appellent les négociations de paix.
Comme l’administration américaine l’affirmait il y a peu, la question territoriale est fondamentale ici. Comme Macron vient de le révéler, ils n’auraient pas abordé cette « question fondamentale » lors des heures de discussions passées.
L’accueil fut chaleureux et respectueux cette fois-ci, les États-Unis ayant besoin que leurs marionnettes tiennent dignement leur rôle. Notamment la prise en charge de la suite de l’approvisionnement en armes du conflit sur le front ukrainien. Trump en a assuré Zelensky. Les Européens et l’OTAN paieront les armes américaines pour un montant d’environ 100 milliards de dollars. La paix se négocie à merveille et dans le temps.
Les Américains préfèrent rester dans l’ombre
La question des « garanties de sécurité » de l’Ukraine, c’est-à-dire des mécanismes de contrôle politico-militaire du territoire restant sous domination atlantiste, doit être déterminée dans une semaine environ, mais les Américains préfèrent rester dans l’ombre et laisser ici aussi l’OTAN et les Européens assumer la responsabilité politique de décisions qui sont en réalité prises à Washington.
La paix, c’est la guerre, ne l’oubliez pas.
Après avoir débriefé Zelensky, Trump a fait entrer sur scène les Européens. Au milieu de la conversation, il interrompt les débats et, dans une mise en scène de série B, appelle Poutine pour faire le point sur le deal possible.
N’oublions pas que Trump est passé de la déclaration : « S’il n’y a pas d’accord, il n’y aura plus d’aide à l’Ukraine » à « S’il n’y a pas de réunion tripartite, il y aura encore la guerre ». Donc, évidemment, « l’aide » ne sera pas suspendue : les Globalistes n’ont ni l’intérêt ni l’intention de déposer les armes et d’offrir gracieusement la victoire à la Russie.
Ce qui est d’ailleurs confirmé par Macron devant les caméras, lorsqu’il déclara ouvertement : « La première garantie de sécurité, c’est une armée ukrainienne forte, c’est-à-dire de plusieurs centaines de milliers d’hommes, bien équipés (…) La deuxième, c’est d’avoir des forces de réassurance. » De cette manière, Macron fait comprendre que les Globalistes ne veulent pas la paix avec la Russie, mais uniquement gagner du temps pour renforcer l’armée ukrainienne, aujourd’hui affaiblie, afin de reprendre le combat ensuite, lorsqu’ils seront plus forts et que la Russie aura mis ses forces en attente. Rien n’a changé finalement.
Pourtant, nous apprenons que Trump prépare activement une rencontre tripartite avec Zelensky et Poutine. Macron déclare également que la rencontre est actée ; reste à déterminer le lieu et le moment précis – qui devrait toutefois se situer d’ici la fin août. Selon eux, Poutine aurait donné son accord.
Feuilleton sans fin des négociations
De son côté, la Russie, par la voix du conseiller présidentiel Ouchakov, confirme bien qu’un appel téléphonique a eu lieu entre les présidents américain et russe, lors duquel Poutine a remercié Trump pour son accueil… et accepté de réfléchir à l’idée d’augmenter le niveau de représentation de l’équipe russe de négociation avec l’Ukraine. Rappelons que cela constituait une critique fondamentale exprimée par les Ukrainiens lors des derniers tours en Turquie. Critique qui, soit dit en passant, avait été moquée par la Russie.
Cette déclaration laisse toutefois une marge de manœuvre certaine à la Russie pour la suite du feuilleton, semble-t-il sans fin, des négociations ukrainiennes.
Zelensky est revenu sur toutes ses exigences : il accepte de rencontrer Poutine sans aucune condition préalable, c’est-à-dire en réalité sans un arrêt des combats.
La Russie s’engage-t-elle, comme avec la rencontre en Alaska, sur la voie d’un processus de négociations permanentes ? S’il n’y a aucune exigence préalable, elle peut ne pas y voir de danger et s’engager dans ce processus à première vue inoffensif.
Si, sur le fond, discuter n’implique pas d’accord sur le résultat de ces discussions, le processus n’est pas si innocent que cela. D’un côté, il lance un certain message à sa population et aux populations sur le sol ukrainien, qui attendent la Russie ; et, d’un autre côté, il oblige à tenir des rites, donc à légitimer les interlocuteurs dans le rôle qu’ils s’accordent. Or, la politique est faite de symboles et de rites.
Le territoire est important, car les populations qui y habitent sont importantes. Soit la Russie reprend des terres qui sont les siennes, comme l’a déclaré Poutine devant Loukachenko, et, en ce sens, elle permet aux populations russes de rentrer au port ; soit la Russie peut négocier avec ce grand pays « indépendant et souverain » qu’est l’Ukraine, où s’arrêtera sa frontière, mais nous ne sommes alors plus dans la logique d’une reconstitution de l’espace historique et naturel de la Russie. Ces deux visions sont incompatibles et les négociations permanentes avec l’idée d’un « échange » de territoires sous-entendent un transfert des populations, qui passent d’un régime à un autre et deviennent interchangeables, une sorte de monnaie d’échange dans un « deal » qui les dépasse.
La sacralité est alors remise à des temps plus propices, ceux des idéaux et des convictions. La confiance des populations résidant sur le territoire ukrainien est réduite à son minimum, ce qui porte atteinte à tout mouvement possible de résistance intérieure. Quant à la population russe, si la guerre n’est pas sacrée, cela veut dire qu’elle ne concerne pas le peuple en tant que tel, elle n’est pas « patriotique », elle est « tactique » – une opération militaire visant à améliorer la situation de la Russie sur la scène internationale et sa place… dans le système global, sans ô grand jamais le remettre en cause.
Il ne faut pas oublier que, par ailleurs, ce processus de négociations légitime les interlocuteurs dans leur rôle. Zelensky, acteur mis en place pour jouer le rôle d’un président patriote, se retrouve de facto considéré comme véritable dirigeant d’un véritable « État-fantôme ». Trump, président des États-Unis, se retrouve « arbitre » d’un conflit initié en réalité par les États-Unis.
Et c’est la configuration même du conflit qui est redessinée. Alors que cette guerre a été initiée par les Globalistes en Ukraine afin de déstabiliser la Russie et de reprendre le contrôle de ce territoire, elle finit par être présentée – et donc ressentie par les sociétés – comme un conflit entre l’Ukraine (avec, certes, le vague soutien des Européens et de l’OTAN) et la Russie, dans lequel la Russie serait l’agresseur.
Si les Globalistes ont besoin de cette représentation de la configuration du conflit, et ont en ce sens besoin de Trump pour conduire la Russie à évoluer dans ce paradigme, en quoi cela entre-t-il dans l’intérêt de la Russie ?
Cette question reste largement ouverte.
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