Par Karine Bechet-Golovko Tous les articles de cet auteur
Karine Bechet-Golovko, docteur en droit public, professeur invité à la faculté de droit de l'Université d'Etat de Moscou (Lomonossov), animatrice du site d'analyse politique Russie Politics.

La Géorgie en passe de réaliser son rêve de libération

La Géorgie en passe de réaliser son rêve de libération Source: Sputnik
Drapeau géorgien
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Malgré les manifestations et les ingérences atlantistes, la Géorgie se dote d’un président souverainiste, ce qui conduit Zourabichvili à vouloir usurper le pouvoir pour protéger les intérêts atlantistes. Karine Bechet-Golovko revient sur ce cas, inédit dans l’espace post-soviétique depuis le début de l’occupation atlantiste du territoire en 1991.

Le 14 décembre 2024, la Géorgie s’est dotée d’un nouveau président, cette fois-ci selon le système d’élection indirecte préconisé par les structures internationales dans l’espace post-soviétique, afin de réduire le rôle et la légitimité des leaders nationaux et de rendre ces espaces mieux contrôlables. Ils n’avaient pas pu prévoir une situation aussi cocasse, quand la présidente sortante et dotée de pouvoirs réels est pro-atlantiste, alors qu’elle doit laisser la place à des organes représentatifs souverainistes.

En effet, après la chute de l’URSS, l’Occident avait peur de voir revenir à terme sur le devant de la scène politique des décideurs plus orientés vers la Russie, l’histoire ne s’effaçant pas aussi facilement. Ce réalisme politique a conduit à encadrer des réformes institutionnelles, sous couvert de développement du pluralisme politique, allant dans le sens d’un système parlementaire, où les chefs d’État n’exercent en général que des fonctions représentatives et les députés sont issus des nouveaux partis «démocratiques».

La Géorgie n’a pas fait exception à la règle et Salomé Zourabichvili, née en France et diplomate française, devient la dernière présidente géorgienne élue au suffrage universel direct. Son successeur devait être élu par un collège électoral de 300 grands électeurs à la majorité des deux tiers des voix. Autrement dit, il devait obtenir au moins 200 voix, avec la participation d’au moins la moitié des grands électeurs. Ces grands électeurs étant issus de la députation.

Le processus électoral a commencé ce 14 décembre à 9h du matin et devait durer jusqu’à 14h. Or, à 11h, la Commission électorale a déjà pu déclarer la validité des élections, puisque 170 grands électeurs s’étaient prononcés.

L’opposition a tenté une dernière provocation, l’enchaînement des manifestations n’ayant pas permis de provoquer une révolution. Le peuple n’a pas suivi, il faut dire que le peuple avait justement donné le pouvoir au parti Rêve géorgien, qui défend une politique affirmant la priorité de l’intérêt national sur l’intérêt atlantiste.

Les élus des quatre partis d’opposition ont donc boycotté le vote et ont refusé de présenter un candidat. Ils savaient que de toute manière ils allaient perdre, leur seule chance était de tenter de délégitimer les élections. L’idée était simple : obliger la tenue d’une élection présidentielle sans alternative, pour ensuite pouvoir la déclarer illégitime et anti-démocratique.

Le problème est que l’élection présidentielle, qui s’est tenue effectivement sans alternative, ne l’a pas été par refus d’enregistrer un candidat de l’opposition, mais du fait même de cette opposition de ne vouloir présenter son candidat. Si la Comission électorale avait accepté de reporter les élections en attendant que l’opposition veuille avoir l’amabilité de présenter un candidat, elle aurait par la même permis à cette opposition, perdante et sortante, d’usurper le pouvoir. Ce qui est justement anti-démocratique.

Le schéma retenu est simple et habituel : quand les élections ne permettent pas de donner la victoire au «bon» candidat, les Atlantistes ne reconnaissent pas ces élections (comme en Roumanie) ou tentent de les fausser (comme en Biélorussie ou en Géorgie).

La présidente sortante se déclare alors la seule institution légitime et refuse de quitter le pouvoir le 29 décembre, lors de l’entrée en fonction du nouveau président élu, Mikhaïl Kavelachvili. Elle qualifie les élections de «parodie», parodie qu’elle a elle-même organisée et qu’elle a de toute manière perdue. Il y a une forme d’hystérie, assez peu professionnelle, dans son comportement, autant que dans ses déclarations. Comme celle-ci, la veille du scrutin, quand elle reprend sa place préférée sur les barricades : «Je ne pars nulle part. Je ne quitterai personne. Les gens me posent souvent des questions à ce sujet. Je vais rester ici.»

Les «gens» posent la question, car la question objectivement se pose. Froidement et rationnellement. Elle a perdu. Son clan a perdu. Car les Atlantistes ont sous-estimé la force de l’histoire. Car ils ne peuvent envisager que leur modèle ne soit plus attractif, que des peuples veulent se libérer de leur emprise. Car ils sont devenus trop rigides pour s’adapter.

Mais la réalité est bien là et il va lui falloir partir. Peut-être rentrer au bercail, en France atlantiste. Et le Premier ministre lui a rappelé cette simple évidence : «À cela, le Premier ministre Irakli Kobakhidze a déclaré qu'il comprenait "l'état émotionnel de Zourabichvili", mais "le jour de l'investiture, le 29 décembre, elle devra quitter sa résidence et céder ce bâtiment au président légitimement élu".»

Comment va se comporter la présidente sortante et comment va réagir le nouveau pouvoir géorgien ? De cela va dépendre, au minimum, l’avenir de ce pays. Aura-t-elle besoin de jouer les victimes sacrificielles et ses curateurs vont-ils l’exiger d’elle ? Ou aura-t-elle la sagesse de simplement être absente et discrètement quitter la Géorgie ?

Une ancienne présidente, qui appelle publiquement à l’insurrection et refuse une transition pacifique du pouvoir, prend le risque d’être poursuivie pour haute trahison. Car elle s’oppose à la volonté du peuple géorgien. Elle s’oppose au fonctionnement régulier des institutions. Les autorités auront-elles alors le courage politique d’aller jusqu’au bout ? Ce serait une première et un précédent intéressant.

D’une manière générale, le signal lancé par l’évolution de la situation en Géorgie est très intéressant, car cela donne de l’espoir aux peuples, qui veulent sortir de la domination atlantiste.

Nous voyons que les mécanismes d’ingérence atlantiste sont directement liés au contrôle et au financement de la société civile. Ainsi, les lois imposant une transparence du financement de la société civile permettent de limiter très fortement cette ingérence et de revenir à des élections plus libres et honnêtes.

Par ailleurs, il est évident que ces mécanismes d’ingérence ne peuvent fonctionner sans une trahison des élites dirigeantes nationales. Plusieurs moyens sont utilisés pour conduire à la trahison : constituer de l’extérieur des élites «compatibles» grâce aux différents programmes de formation ; acheter les élites nationales ; menacer ces dirigeants. Ces moyens sont en général utilisés en parallèle.

Mais nous voyons arriver le moment de rupture, quand la pression devient trop évidente et qu’une certaine scission se produit au sein des élites dirigeantes européennes. Au-delà des responsables slovaque et hongrois, le ministère luxembourgeois des Affaires étrangères déclare qu’il ne faut pas sanctionner la Géorgie pour les résultats des élections, même s’ils déplaisent à l’Union européenne.

Le précédent roumain fait peur, car la boîte de Pandore a ainsi été ouverte. Désormais, dès qu’une élection n’est pas satisfaisante, elle pourrait être annulée ? Le risque existe, car le fanatisme s’intensifie parallèlement à l’intensification du conflit avec la Russie. Et certains comprennent que ce sera alors la fin. Le fragile voile «démocratique» tombera en lambeaux. Et les peuples européens entreront dans une ère de dictature sans pardon.

 

 

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