Selon Ariel Beresniak, il est délicat pour le gouvernement d'admettre que la suspension des professionnels de santé non vaccinés était une erreur : cela reviendrait à reconnaître l'absurdité plus générale de la politique nationale anti-Covid.
La vaccination contre le Covid-19 a une particularité unique sur toutes les autres vaccinations : elle est devenue politique avant d’être sanitaire. Ce sont en effet les politiques qui décident des règles de sa mise en œuvre tandis que les professionnels de santé doivent se contenter de les respecter. C’est ainsi que le chef d’Etat a imposé l’obligation vaccinale contre le Covid-19 aux professionnels de santé le 15 septembre 2021 dans le cadre des régimes d’exception créés pour lutter contre la pandémie. Les récalcitrants n’ont pas été licenciés, ce qui leur aurait ouvert des droits sociaux. Ils n’ont pas été mis à pied non plus, ce qui aurait supposé de continuer à leur verser leur salaire. Ils ont été «suspendus», terme alambiqué choisi par le gouvernement pour instituer une punition sociale extrêmement brutale à ces professionnels de santé non obéissants : ils ont été priés de rentrer chez eux sans salaire, sans allocation de perte d’emploi et sans droits sociaux.
Si la loi du 30 juillet 2022 dite «Vigilance sanitaire» met bien fin aux régimes d’exception institués pour tenter de lutter contre la pandémie, elle ne dit rien sur le statut des professionnels de santé suspendus acculés à une précarité extrême depuis 14 mois.
Les raisons profondes du refus de la vaccination sont variables et parfois mal exprimées. Dans la quasi-totalité des cas, il ne s’agit pas d’un refus de la vaccination en général, mais d’une méfiance, instinctive ou raisonnée, vis-à-vis de l’inoculation imposée d’un nouveau produit qu’ils ne connaissent pas. Celui-ci a été développé sur la base d’un nouveau mécanisme d’action, et est titulaire d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dite «conditionnelle», c’est-à-dire autorisé dans un cadre d’urgence à condition de la promesse du fabriquant de fournir de plus amples données d’efficacité et de tolérance dans le futur…
Or il est désormais partout constaté, et bien établi sans contestation aucune (y compris par les fabricants eux-mêmes convoqués aux auditions parlementaires), que les vaccins anti-Covid-19 ne protègent ni de la transmission, ni de la contamination. Le slogan gouvernemental «tous vacciné, tous protégé» a ainsi été inventé de toutes pièces par les communicants du ministère de la Santé et ne reposait en fait sur aucune évidence scientifique, même si un grand nombre de médecins s’en sont fait l’écho et y ont crus. La CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) a même confirmé dans son avis du 22 Septembre 2022 qu’il n’existait aucune statistique sur le statut vaccinal des personnes décédés du Covid et des patients hospitalisés pour Covid.
Une mauvaise stratégie gouvernementale
Le problème est qu’il est difficile pour le gouvernement d’admettre qu’il s’est trompé, car cela reviendrait à avouer qu’une grande partie de sa politique sanitaire fondée sur les pass sanitaires et vaccinaux reposait au mieux sur une hypothèse fausse, au pire sur un mensonge.
La guerre en Ukraine fin Février 2022 a dans un premier temps opportunément détourné l’attention de la population sur la cohérence de la politique sanitaire et permis au chef de l’Etat de troquer sa blouse blanche et son masque contre un sweat shirt noir de parachutiste et une barbe de deux jours savamment mis en scène, en espérant que les professionnels de santé suspendus puissent continuer à sombrer indéfiniment dans les limbes de l’expiation. C’était sans compter sur les oppositions politiques de droite et de gauche qui ont convergé pour solliciter officiellement la réintégration des professionnels suspendus.
Le gouvernement a choisi d’ignorer ces demandes le plus longtemps possible. Puis acculé à donner une réponse sur le sort des professionnels suspendus, le chef de l’Etat a choisi d’éluder la question et de s’appuyer sur ses relais d’influence comme la Haute autorité de santé et d’autres institutions courtisanes comme le Comité consultatif national d’éthique et l’Académie nationale de médecine. Les raisons qu’avancent ces organismes pour ne pas réintégrer les professionnels suspendus relèvent plus de leur vision d’une morale dévoyée pour plaire au prince que du bon sens le plus élémentaire.
C’est ainsi que l’Académie nationale de médecine, institution «placée sous la protection du président de la République» selon ses statuts, a publié un communiqué de presse le 19 juillet 2022 :
- «Tout refus de se faire vacciner motivé par des convictions personnelles est respectable, mais incompatible avec le métier de soignant» : Non seulement il ne relève pas à l’Académie de clamer ce qui est compatible ou non compatible avec le métier de soignant, mais les membres de l’Académie devraient aussi se souvenir qu’un vaccin est un produit pharmaceutique et qu’aucun produit pharmaceutique ne se ressemble. Il est donc naïf et malhonnête de laisser entendre que tous les vaccins se valent en termes d’efficacité et de tolérance.
- «Les vaccins actuels conservent une efficacité résiduelle contre la transmission…» : Il s’agit d’une affirmation gratuite dite d’autorité (l’Académie a dit) fondée sur aucune source scientifique
- «La réintégration de professionnels de la santé non vaccinés compromettrait le climat de confiance et la cohésion qui doivent exister entre ses membres et avec les malades» : Cela voudrait dire qu’on doit assigner à résidence sans salaire un temps indéterminé des professionnels de santé, sur la base d’un hypothétique problème de «climat de confiance» qui s’imposerait à l’ensemble des équipes hospitalières du territoire… La grande statue d’Hippocrate trônant sur la chaire de l’amphithéâtre de l’Académie de médecine ne suffit apparemment pas à rappeler à ses membres leur serment d’Hippocrate «Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination».
Un climat de confiance se construit sur la base du respect mutuel et non sur une discrimination artificielle selon le statut vaccinal, surtout quand il est désormais bien avéré que vaccinés et non-vaccinés contaminent et transmettent le coronavirus.
L’obstruction et la panique du gouvernement vis-à-vis de la question de la réintégration des personnels soignants suspendus ne fait que confirmer son obstination à ne pas voir le réel car il a peur de compromettre sa crédibilité.
L’obstination et la fermeté d’un chef d’Etat peuvent en situation de crise prendre le même masque mais relèvent de comportements totalement opposés. L’obstination du chef d’Etat est un symptôme d’immaturité profonde qui repose sur son inexpérience et ses préjugés, tout en se caractérisant par le déni et l’imperméabilité à la raison. La fermeté d’un véritable décideur digne de sa fonction suggèrerait d’accepter le principe de ses erreurs, d’écouter les arguments de la raison, d’étudier les données évolutives de la science et de prendre en compte la réalité des situations humaines.
Ariel Beresniak
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