Traité pour la sécurité de la Russie et des pays de l'OTAN : Moscou met ses cartes sur la table
La Russie a rendu publiques les propositions de traités qu'elle a remises aux Etats-Unis, afin de mettre un terme aux tensions récurrentes avec les pays de l'OTAN. Moscou propose d'entamer les négociations immédiatement, mais Washington temporise.
Ce 17 décembre, le ministère russe des Affaires étrangères a dévoilé deux propositions d'accords remises à la partie américaine deux jours plus tôt, et intitulés «Traité entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie sur les garanties de sécurité» et «Accord sur les mesures pour assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des Etats membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord». Ces documents prévoient notamment d'interdire tout nouvel élargissement de l'OTAN – à l'Ukraine, ainsi qu'à tout autre pays – et d'empêcher les activités militaires proches de la frontière russe, dans les pays de l'ancien espace soviétique.
Le 15 décembre, la Russie avait annoncé avoir remis aux Etats-Unis une liste de propositions sur les garanties juridiques qu'elle réclame pour assurer sa sécurité qu'elle juge menacée, sur fond de tensions récurrentes, en particulier autour de l'Ukraine.
Des propositions qui pourraient être négociées dès demain, selon Moscou
«La partie américaine a reçu les explications nécessaires sur la logique de l'approche russe sous une forme détaillée, et les arguments correspondants ont été présentés. Nous espérons que, sur la base de notre projet de traité et d'accord, les Etats-Unis entameront bientôt des négociations sérieuses avec la Russie sur une question cruciale pour le maintien de la paix et de la stabilité», a souligné le ministère russe des Affaires étrangères dans un commentaire accompagnant la publication.
Il est dans l'intérêt commun de trouver des moyens pour réduire les tensions
En présentant à la presse ces documents, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov s'est quant à lui exprimé en ces termes : «Le président russe [Vladimir] Poutine a souligné à plusieurs reprises que nous n'avions pas besoin de conflits. Nous appelons la partie américaine à prendre l'initiative russe très au sérieux. La situation internationale est très tendue et il est dans l'intérêt commun de trouver des moyens pour réduire les tensions».
Quant au modalités pratiques, Sergueï Riabkov a affirmé que les responsables étaient «prêts tout de suite, même demain, au sens littéral du terme [...] le 18 décembre, à partir pour des négociations avec les Etats-Unis dans un pays tiers». «A cet égard, nous avons déjà proposé aux Américains la ville de Genève pour lancer ces importantes négociations sur la base, sur la plate-forme des deux projets de documents que vous avez et que nous comptons promouvoir, en attendant une réponse constructive de la part des Etats-Unis», a précisé le diplomate.
Selon lui, ces propositions sont le moyen de rétablir une coopération russo-occidentale en l'«absence totale de confiance mutuelle» et compte tenu de la politique de l'OTAN, «agressive dans le voisinage de la Russie».
Mais Washington n'est pas prêt, à en croire la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. En conférence de presse ce 17 décembre elle a ainsi prévenu : «Il n'y aura pas de discussions sur la sécurité européenne sans nos alliés et partenaires européens».
Celle qui s'exprime au nom du gouvernement étasunien a poursuivi : «Nous ne ferons aucun compromis sur les principes fondateurs de la sécurité européenne, en particulier sur le fait que tous les pays ont le droit de décider de leur propre avenir et de leur politique étrangère sans être soumis à une influence extérieure.»
Fin de l'élargissement de l'OTAN, limitation des déploiements militaires aux frontières de la Russie : quelles propositions ?
L'article premier de la proposition d'accord «sur les mesures pour assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des Etats membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord» stipule tout d'abord que les parties – à savoir la Russie et l'OTAN – ne «renforceront pas leur sécurité individuellement, au sein d'organisations internationales, d'alliances militaires ou de coalitions, au détriment de la sécurité des autres parties». Les parties sont également encouragées à faire «preuve de retenue dans la planification et la conduite d'exercices militaires afin de réduire les risques d'éventuelles situations dangereuses».
Les parties réaffirment qu'elles ne se considèrent pas comme des adversaires
Dans les articles 3 et 4, la Russie et l'OTAN «réaffirment qu'elles ne se considèrent pas comme des adversaires» et s'engagent à ne pas déployer, sans le consentement des toutes les parties, de «forces et d'armements militaires sur le territoire de l'un quelconque des autres Etats d'Europe en plus des forces stationnées sur ce territoire au 27 mai 1997». L'article suivant interdit le déploiement de missiles terrestres à portée intermédiaire et à courte portée dans des zones permettant à la Russie ou à l'OTAN «d'atteindre le territoire des autres parties».
Tous les Etats membres [...] s'engagent à s'abstenir de tout nouvel élargissement de l'OTAN, y compris l'adhésion de l'Ukraine
L'article 6 contient quant à lui l'une des propositions majeures de l'accord, formulée comme suit : «Tous les Etats membres de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord s'engagent à s'abstenir de tout nouvel élargissement de l'OTAN, y compris l'adhésion de l'Ukraine ainsi que d'autres Etats». Les Etats membres de cette organisation militaire créée en pleine Guerre froide doivent également s'engager à ne mener aucune activité militaire sur le territoire de l'Ukraine ou d'autres Etats d'Europe orientale, du Caucase du Sud et d'Asie centrale. S'ensuit une proposition de limitation des exercices militaires dans une zone située de part et d'autre de la frontière russe.
Les Etats-Unis, l'OTAN et l'Union européenne accusent la Russie d'avoir massé des dizaines de milliers de soldats aux frontières de l'Ukraine et de préparer une agression militaire. Les Occidentaux menacent la Russie de sanctions sans précédent en cas d'invasion, mais semblent exclure toute intervention militaire. Pour sa part, la partie russe affirme n'avoir aucun compte à rendre sur les déploiements de troupes au sein de ses frontières, et affirme au contraire que la Russie est sous la menace de l'OTAN qui arme Kiev et multiplie les déploiements de moyens aériens et maritimes dans la région de la mer Noire.