Kosovo : le président Hashim Thaçi démissionne après son inculpation à La Haye
Le dirigeant du Kosovo fait face à des accusations de crimes de guerre et contre l'humanité de la part du tribunal spécial qui l'ont poussé à démissionner pour faire face à la justice. Soupçonné de meurtre et de torture, il a été placé en détention.
Après le Premier ministre Ramush Haradinaj en juillet 2019, c’est cette fois-ci le président kosovar Hashim Thaçi qui a démissionné le 5 novembre 2020 pour faire face aux accusations de crimes de guerre et contre l’humanité qui pèsent contre lui depuis le conflit entre l’UCK – organisation paramilitaire indépendantiste albanaise du Kosovo classée jusqu'à la fin des années 1990 comme terroriste par les Etats-Unis – et la Serbie de mars 1998 à juin 1999.
L’ancien chef politique de l’UCK, âgé aujourd’hui de 52 ans, a annoncé sa démission pour faire face aux charges auxquelles il est confronté et à l’inculpation dont il fait l’objet par le tribunal spécial pour le Kosovo de La Haye (KSC) concernant divers crimes commis durant les affrontements alors que son rôle dans le conflit reste trouble. Il a été placé en détention à La Haye dans la soirée du 5 novembre.
Thaçi se dit innocent et accuse la justice internationale de vouloir «réécrire l'Histoire»
«Comme je l'ai promis, je ne me présenterai pas devant le tribunal en tant que président de la République du Kosovo», avait-il fait savoir lors d’une conférence de presse depuis la capitale Pristina, un peu plus tôt dans la journée. «En conséquence, pour défendre l'intégrité de la fonction de président et du Kosovo, ainsi que la dignité des citoyens, je démissionne du poste de président de la République du Kosovo», avait-il ajouté.
Je crois en la vérité, en la réconciliation et en l'avenir de notre pays et de notre société
Hashim Thaçi est accusé par le tribunal spécial de «crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, y compris meurtre, disparition forcée de personnes, persécution et torture». Il n’a cependant pas précisé si toutes – ou partie – des charges avaient été retenues contre lui mais s’est dit prêt à «collaborer étroitement avec la justice». «Je crois en la vérité, en la réconciliation et en l'avenir de notre pays et de notre société», avait-il assuré lors de sa conférence de presse.
Hashim Thaçi se dit depuis toujours innocent et accuse la justice internationale de vouloir «réécrire l’Histoire».
Le «parrain» du groupe de la Drenica, selon le rapport d'un observateur international
Pourtant de lourds soupçons pèsent depuis plusieurs années sur celui qui aura été Premier ministre de 2008 à 2014 avant de devenir président en 2016. L’homme politique suisse Dick Marty avait par exemple déjà épinglé le dirigeant kosovar dans un rapport rendu à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et mis en ligne début 2011.
Nous avons constaté que le chef de ce Groupe de Drenica ou, pour employer la terminologie propre aux réseaux de la criminalité organisée, son "parrain", n’était autre [...] qu'Hashim Thaçi
Le document fait état de «traitements inhumains et dégradants» sur des prisonniers serbes et kosovars albanais et de prélèvements d’organes «sur des prisonniers dans une clinique en territoire albanais […] à des fins de transplantation». Hashim Thaçi y est accusé d’avoir été à la tête du groupe dit «de la Drenica», également suspecté de trafic d’organes.
«Nous avons constaté que le chef de ce Groupe de Drenica ou, pour employer la terminologie propre aux réseaux de la criminalité organisée, son "parrain", n’était autre qu’un acteur réputé de la vie politique locale et peut-être la personnalité de l’UCK la plus reconnue sur la scène internationale, Hashim Thaçi», était-il expliqué.
Le KSC multiplie les inculpations
De son côté, le KSC a récemment lancé plusieurs procédures contre des représentants kosovars comme Kadri Veseli, ancien patron du renseignement de l’UCK et actuellement président du Parti démocratique du Kosovo (ancienne branche politique de l’UCK) dont le fondateur n’est autre qu’Hashim Thaçi, qui a lui aussi annoncé la confirmation de son inculpation par le tribunal spécial le 5 novembre.
La veille, c’est l’ancien président par intérim du Kosovo Jakup Krasniqi, ancien porte-parole de l’UCK, qui avait été arrêté à Pristina et transféré à La Haye. Fin septembre dernier, un ancien commandant de l'UCK, Salih Mustafa, avait été le premier suspect à comparaître devant le tribunal spécial pour répondre à des accusations de meurtre et de torture.
La guerre du Kosovo aura fait plus de 13 500 morts et se sera soldée par une campagne de bombardement de 78 jours sur la Serbie menée par l’OTAN – sans l’aval des Nations unies – forçant l’armée serbe à se retirer de la région pour en remettre l’administration à la Force pour le Kosovo (KFOR).
Le Kosovo, alors province serbe, proclamera finalement son indépendance de manière unilatérale en février 2008. Il est aujourd’hui reconnu par les Etats-Unis et de nombreux pays occidentaux mais pas par la Chine, la Russie, l’Inde ou encore l’Espagne.