«Cessez d'aboyer, chiens français» : des Pakistanais manifestent contre Charlie Hebdo
Des dizaines de manifestants ont protesté le 3 septembre au Cachemire contre la dernière une de Charlie Hebdo, brûlant notamment le drapeau français, alors que d'autres marches sont prévues au Pakistan où la question du blasphème est incendiaire.
Une centaine de manifestants se sont rassemblés le 3 septembre dans la ville de Muzaffarabad, capitale du Cachemire sous contrôle pakistanais, afin de protester contre la republication des caricatures de Mahomet par la revue satirique Charlie Hebdo – celles-là même qui en avaient fait une cible des jihadistes – à la veille du procès de l'attentat qui avait décimé l'hebdomadaire en janvier 2015.
Ils ont crié des slogans tels que «Cessez d'aboyer, chiens français», ou encore «Stop Charlie Hebdo». «Le gouvernement pakistanais devrait immédiatement rompre ses relations diplomatiques avec la France», a estimé l'un d'entre eux, Mohammad Zaman, un religieux. La manifestation s'est achevée sans violence, après qu'un drapeau tricolore a été piétiné, puis incendié. Plusieurs autres manifestations sont prévues le 4 septembre après la prière du vendredi, dont une à Lahore (Est) du parti extrémiste Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP), dont la lutte contre le blasphème est la principale arme politique.
L'ambassade de France au Pakistan a appelé ses ressortissants à «rester à l’écart de tout rassemblement» et «éviter tout déplacement» durant la journée du 4 septembre. Des milliers de Pakistanais avaient manifesté en 2015 après la publication des caricatures. Un photographe de l'AFP avait notamment été blessé par balle devant le consulat de France à Karachi (Sud), où la protestation avait tourné à l'affrontement.
La diplomatie pakistanaise veut traduire devant la justice les auteurs des caricatures
Le blasphème est une question très sensible au Pakistan, deuxième pays musulman le plus peuplé avec près de 220 millions d'habitants, où même des allégations non prouvées d'offense à l'islam peuvent entraîner assassinats et lynchages.
Le 1er septembre, le Pakistan avait condamné avec «la plus grande fermeté» la décision de Charlie Hebdo. «Les caricatures publiées ont heurté les sentiments de millions de musulmans», a observé le ministère des Affaires étrangères Shah Mahmood Qureshi, qui espère «la traduction devant un tribunal» des «responsables de cet acte méprisable». L'acquittement en octobre 2018 de la chrétienne Asia Bibi, qui avait passé plus de huit ans dans les couloirs de la mort pour blasphème, ce qu'elle a toujours nié, avait provoqué des marches violentes dans tout le Pakistan.
Le procès de l'attentat djihadiste contre Charlie Hebdo, qui a fait 12 morts le 7 janvier 2015, suivi des attaques qui ont ciblé une policière à Montrouge et un supermarché casher ce mois-là, s'est ouvert le 2 septembre à Paris. A cette occasion, Charlie Hebdo a décidé de republier les caricatures du prophète Mahomet qui en avaient fait une cible, et provoqué des manifestations parfois mortelles dans plusieurs pays musulmans. La représentation des prophètes est strictement interdite par l'islam sunnite. Ridiculiser ou insulter le prophète Mahomet est passible de la peine de mort dans certains pays musulmans, dont le Pakistan.