«L'Amérique et l'Europe devraient rester à leur place», se plaint Erdogan
- Avec AFP
En passe de perdre Istanbul et Ankara, le parti du président turc Recep Tayyip Erdogan a ordonné un recomptage des voix. Le chef d'Etat s'est plaint de l'ingérence des Etats-Unis et de l'Europe qui l'incitent à respecter le verdict des urnes.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé le 5 avril l'Europe et les Etats-Unis d'«intervenir» dans les affaires de la Turquie, après leurs commentaires sur les élections municipales du 31 mars qui montrent que son parti s'achemine vers une défaite à Istanbul et Ankara.
«L'Amérique et l'Europe, qui interviennent dans nos affaires intérieures, devraient rester à leur place», s'est emporté le chef d'Etat turc qui s'exprimait publiquement pour la première fois depuis le soir des élections.
Si le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) de Recep Tayyip Erdogan est arrivé en tête de ce scrutin à l'échelle nationale, il a, selon des résultats provisoires, perdu Ankara et Istanbul, les deux villes les plus importantes du pays, contrôlées par les islamistes depuis 25 ans.
L'Amérique et l'Europe, qui interviennent dans nos affaires intérieures, devraient rester à leur place
L'AKP a déposé des recours auprès des autorités électorales dans plusieurs villes, dénonçant des «irrégularités flagrantes» et estimant que de nombreuses voix ont été indûment comptabilisées comme nulles, pénalisant selon lui ses candidats. D’après Anadolu, environ 300 000 voix auraient été comptabilisées comme nulles à Istanbul. «La décision finale sera prise par le Haute commission électorale», a insisté le président turc, soulignant que les recours sont un droit et qu'il en existe aussi en Europe et aux Etats-Unis.
Interrogé au sujet des recours déposés le 2 avril par l'AKP, le porte-parole du département d'Etat américain Robert Palladino a souligné qu'«accepter les résultats d'élections légitimes [était] essentiel».
Côté européen, une mission d'observation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe a déclaré le 1er avril ne pas être «pleinement convaincue que la Turquie [disposait] actuellement de l'environnement électoral libre et équitable nécessaire à la tenue d'élections véritablement démocratiques».
Et Maja Kocijancic, porte-parole de la chef de la diplomatie de l'UE Federica Mogherini, a déclaré le 1er avril attendre «que les représentants locaux élus soient capable d'exercer librement leur mandat».
Istanbul, une ville cruciale pour le président turc
La course est surtout disputée à Istanbul, dont Recep Tayyip Erdogan a lui-même été maire dans les années 1990. Le candidat de l'opposition, Ekrem Imamoglu, dit avoir encore 18 742 voix d'avance sur son concurrent de l'AKP, Binali Yildirim, après le recomptage effectué dans 17 des 39 districts de la ville par les branches locales de la Haute commission électorale (YSK) . Il a assuré que le nombre de votes nuls dans ces 17 districts s'élevait à 119 652 votes.
İstanbul’da 17 ilçede geçersiz oyların sayımı bitti. Toplamda 119.652 geçersiz oy sayıldı. Son durum grafikteki gibidir; pic.twitter.com/FFYjwG0pgR
— Ekrem Imamoglu (@ekrem_imamoglu) 5 avril 2019
Le recomptage «devait être terminé d'ici la fin du weekend», a-t-il déclaré le 5 avril au matin lors d'une interview sur la chaîne Fox Haber, assurant qu'il maintiendrait une avance de 18 000 à 20 000 voix une fois le recomptage des voix terminé. Une goutte d'eau à l'échelle d'une ville de 15 millions d'habitants. Or, sans attendre les résultats définitifs, il se présente d'ores et déjà comme le «maire d'Istanbul» et multiplie les interventions médiatiques.
L'AKP avait annoncé dès le 4 avril dans l'après-midi qu'il irait au bout des recours possibles à Ankara et, selon l'agence étatique Anadolu, des bulletins ont commencé à être recomptés dans plusieurs districts d'Istanbul dans la soirée.
A Ankara, où l'avance de l'opposition est bien plus importante qu'à Istanbul, toutes les voix ont été recomptées dans 11 districts sur les 25 que compte la capitale, mais la procédure de recours se poursuivait le 5 avril, auprès cette fois-ci des branches provinciales du YSK. Des appels sont possibles jusqu'au 10 avril.
Recep Tayyip Erdogan a, lui, affirmé le 5 avril que son parti avait remporté 24 des 39 districts de la mégapole.
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