Le Pentagone veut simuler les conséquences d’une frappe nucléaire «au-delà» de «la Russie occidentale»
L'armée américaine a l'intention d'étudier les conséquences d’explosions d’armes nucléaires sur le secteur agricole, notamment dans des régions «au-delà de l'Europe de l'Est et de la Russie occidentale». Une étude qui survient au moment où les tensions s’accroissent entre les Occidentaux et Moscou, sur fond de crise ukrainienne.
Selon un avis d’appel d’offres, publié le 10 septembre sur le site gouvernemental sam.gov (pour «System for Award Management»), le Pentagone a commandé une étude sur les conséquences qu’une explosion nucléaire pourrait avoir sur l’agriculture mondiale. Le descriptif de mission présente comme objectif de «développer et optimiser» le logiciel AgriShock, visant à «la modélisation des effets des armes nucléaires sur les systèmes agricoles».
Parmi les cinq tâches listées, on retrouve notamment «augmenter la couverture géographique afin d'inclure les anciens pays du bloc de l'Est», mettre à jour des données concernant des «régions au-delà de l'Europe de l'Est et de la Russie occidentale» ou encore «intégrer la cartographie aérienne» et le développement d’«un modèle d'absorption de radio-isotopes bêta qui reflète la manière dont se déroule un événement nucléaire non destructif».
Le projet est placé sous la houlette de l’Engineer Research and Development Center (ERDC) du corps des ingénieurs de l’armée des États-Unis. Toujours selon cet avis, l'ERDC aurait déjà choisi comme contractant Terra Analytics, une entreprise basée à Boulder (Colorado), spécialisée dans la visualisation et l'analyse avancées de données.
«Les Américains doivent trouver une justification pour placer leurs armes en Europe»
Cette publication, dont s'est notamment fait l'écho ce 12 septembre l’agence de presse RIA Novosti, fait les choux gras de médias et d’experts militaires russes qui prêtent des intentions hostiles à Washington.
«À mon avis, la décision correspondante de l’armée américaine est due à la volonté de Washington de justifier la nécessité de stationner ses armes nucléaires en Allemagne et éventuellement au Japon», a notamment avancé le chef du département d'intégration et de développement eurasien de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à l'Institut des pays de la CEI, Vladimir Evseev, auprès de Parlamentskaya Gazeta, la publication du Parlement russe.
Cet expert militaire se dit «surpris», dans la mesure où «on suppose que les armes nucléaires seront utilisées contre des cibles spécifiques, dans des villes, mais pas sur des terres agricoles». Selon lui, «le danger est que les États-Unis abaissent désormais délibérément le seuil d'utilisation des armes nucléaires tactiques – c'est ce qui est prévu pour le déploiement en Allemagne».
En marge du sommet de l’OTAN, qui s’est tenu début juillet à Washington, les États-Unis ont annoncé leur intention de stationner à partir de 2026 des missiles longue portée en Allemagne. Un déploiement à propos duquel le n°2 de la diplomatie russe, Sergueï Ryabkov, avait déclaré que Moscou apporterait «sans nervosité ni émotion» une réponse militaire.
Quand Washington envisage une éventuelle confrontation nucléaire avec la Russie, la Chine et la Corée du Nord
Cette commande du Pentagone survient alors que les tensions ne cessent de s’accroître entre les chancelleries occidentales – Washington en tête – et Moscou autour de l’Ukraine, où l’armée de Kiev ne parvient pas à stopper l’avancée russe malgré un soutien militaire. Selon les chiffres du Kiel Institute, un think tank allemand, les alliés de Kiev ont déjà fourni ou promis plus de 157 milliards d’euros d’aide militaire à Kiev entre janvier 2022 et fin juin 2024.
Depuis le début du conflit en Ukraine, le spectre d’une escalade nucléaire est régulièrement brandi dans les médias en cas d’une confrontation directe entre la Russie et l’OTAN. Mi-aout, le New York Times rapportait que la Maison Blanche avait approuvé en mars une nouvelle stratégie nucléaire «hautement confidentielle», visant notamment à se préparer à «d'éventuels défis nucléaires», évoquant des «confrontations de la part de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord», avec un accent mis sur le potentiel chinois.
Du côté du Kremlin, Vladimir Poutine a déclaré à plusieurs reprises, notamment à la mi-mars et début juin, que la doctrine militaire russe ne prévoyait l'usage de l'arme ultime que si l'existence de la Russie était menacée ou en cas «d'atteinte à la souveraineté de l’État et à notre indépendance». Le 20 juin, lors d’un déplacement à Hanoï, le président russe avait déclaré que le pays «réfléchissait» à une modification de sa doctrine nucléaire en raison de l'«abaissement du seuil d'utilisation des armes nucléaires» en Occident. «Du moins, nous savons que l'adversaire potentiel y travaille», avait-il ajouté, faisant notamment allusion à l'emploi d'armes nucléaires tactiques.