Nord du Kosovo: malgré une abstention record, Pristina entend imposer ses représentants par la force
De nouveaux heurts ont éclaté entre la police kosovare et des Serbes, au nord de la province où ils sont encore majoritaires. Ces tensions font suite aux élections locales organisées par Pristina et très largement boycottées par les habitants serbes.
La tension continue de monter dans le nord du Kosovo, suite aux élections locales organisées fin avril par les autorités albanaises autoproclamées de Pristina. De nouveaux heurts ont eu lieu ce 29 mai entre la police kosovare, déployée en force aux abords des bâtiments municipaux, et des Serbes venus protester contre la prise de fonctions de leurs nouveaux maires albanais.
Selon Pristina, ces maires ont été élus à l’issue d’un scrutin pourtant largement boycotté par les Serbes, qui sont encore majoritaires dans ces localités de la province séparatiste. Seuls quelque 1 500 électeurs sur environ 45 000 inscrits y ont participé.
Ces élections, anticipées, avaient été convoquées par Pristina suite à la vague de démission de fonctionnaires et responsables politiques locaux, en novembre 2022. Par leur geste, ils entendaient protester contre la volonté des autorités d’interdire les plaques minéralogiques serbes pour les résidents du Kosovo.
Les soldats de la KFOR mobilisés
Dans la commune de Zvecan, la situation aurait dégénéré lorsque des membres des forces spéciales kosovares auraient repoussé un groupe de manifestants tentant d’entrer dans la mairie, relate un correspondant de l’AFP. Des soldats de la Force pour le Kosovo (KFOR) ont également été déployés aux abords des bâtiments municipaux de plusieurs localités du nord de la province, relatent les médias locaux.
It is just past 7 am and USA @NATO soliders basically take over the municipal building in Leposavic, with hundreds of Serbs outside protesting. #Kosovopic.twitter.com/40AJO7921B
— Xhemajl Rexha (@xhemajl_rexha) May 29, 2023
Cette force rattachée à l'OTAN avait indiqué en fin de matinée avoir «renforcé sa présence» dans les quatre municipalités concernées et appelé Belgrade et Pristina à reprendre le dialogue, sous l'égide de l'Union européenne, afin de réduire les tensions.
Le 28 mai, les ambassades de France, d’Allemagne, d’Italie, de Grande-Bretagne, des États-Unis ainsi que de l’Union européenne au Kosovo avaient dans un communiqué enjoint Pristina à n’entreprendre «aucune nouvelle mesure pour forcer l'accès aux bâtiments municipaux de Leposavic, Zubin Potok et Zvecan.»
«Ces mesures ont exacerbé gratuitement les tensions», condamne Washington
Le 26 mai, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken avait déjà «condamné fermement» ce recours à la force par la partie kosovare. «Ces mesures ont exacerbé gratuitement les tensions, sapant nos efforts pour normaliser les relations entre le Kosovo et la Serbie, et auront des conséquences dans nos relations bilatérales avec le Kosovo», avait fustigé Antony Blinken dans un communiqué.
Face à ce regain de violence dans le nord du Kosovo, le président serbe Aleksandar Vucic avait donné le 26 mai l'ordre à l'armée de se placer en état d'alerte et de «se mettre en mouvement» vers la province séparatiste. «Le président serbe, le peuple serbe, défendent leurs droits au nord du territoire autonome du Kosovo», a réagi depuis Nairobi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Qualifiant de «ridicules» ces élections organisées par Pristina, le chef de la diplomatie russe a estimé que le choix final revenait au peuple serbe.
Le Kosovo a proclamé unilatéralement son indépendance en 2008, reconnue par les Etats-Unis et la plupart des pays occidentaux, mais pas par la Serbie, la Russie, la Chine, l’Inde ou encore l’Espagne. Pour autant, Belgrade a perdu le contrôle de ce territoire en 1999, ayant été privé du droit d’y déployer son armée par l’accord de Kumanovo, signé le 9 juin 1999 avec l'OTAN à la suite d'une campagne de bombardements de la Serbie qui aura duré 78 jours.