Lutte contre les violences conjugales et sexuelles : le rendez-vous manqué du quinquennat Macron

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Erigée en grande cause du mandat, la lutte contre les violences faites aux femmes a reçu des moyens budgétaires mais les résultats ne semblent pas être au rendez-vous. Des associations féministes réclament un «plan d'urgence» aux candidats.

«Jamais la société ne s'est autant alarmée des féminicides, et pourtant, nous continuons de compter nos mortes» : dans une tribune parue dans le JDD le 6 février, sept dirigeantes d'associations féministes – dont la Fondation des femmes et le Planning familial – demandent aux candidats à l'élection présidentielle d'élaborer «un plan d'urgence» face à des violences conjugales qui persistent et sont même en progression, avec déjà dix femmes assassinées par leur conjoint ou leur ex-conjoint depuis le début de l'année 2022. «Nous n’attendons plus des discours, mais de vrais engagements et des actes forts», poursuivent les signataires, constatant que «si la société s'est aussi saisie de la question des violences sexuelles, il n'y a jamais eu aussi peu de condamnations judiciaires». 

Pourtant, comme le rappelle le média en ligne Basta!, l’égalité entre les femmes et les hommes était la «grande cause du quinquennat», selon les mots d’Emmanuel Macron lui-même. Dans un discours du 25 novembre 2017, il avait précisé que «la première de cette priorité sera la lutte contre les violences sexuelles et sexistes».

Lancé en septembre 2019, le «Grenelle contre les violences conjugales » avait donné lieu à deux mois de consultations avant d'être clôturé en novembre 2019 par le Premier ministre Edouard Philippe, qui avait alors annoncé le déblocage d'un budget de 360 millions d’euros, assorti d'une série de mesures. Dont des mesures d'urgence, à commencer par la création d'un millier de «nouvelles solutions de logement et d'hébergement» pour les femmes victimes de violences, ainsi qu'un effort conséquent pour que celles-ci aient de «meilleures conditions» pour porter plainte auprès des policiers et gendarmes, qui devaient recevoir une formation plus poussée sur ce sujet. Le déploiement de bracelets «anti-rapprochement» pour protéger les femmes menacées avait été aussi annoncé dans la foulée.

En novembre 2020, la ministre déléguée en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno, se félicitait dans un communiqué de la mise en œuvre de la totalité des mesures d'urgence et avançait que 61% des 46 mesures étaient «effectives». 

Un satisfecit qui n'est guère partagé par le collectif #NousToutes (né en 2018 dans le sillage du mouvement #MeToo), qui a dénombré 113 féminicides en 2021, contre 100 en 2020 et 153 en 2019. Un phénomène illustré par des cas tragiques, dont celui, le 4 mai 2021, de Chahinez Boutaa, brûlée vive dans la rue devant chez elle, à Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux. Son ex-mari avait tiré plusieurs coups de fusil sur elle, avant de l'asperger d'essence et de l'immoler par le feu. Un drame d'autant plus glaçant que la victime avait porté plainte deux mois plus tôt, plainte recueillie par un policier qui venait d’être lui-même condamné pour «violences intrafamiliales». Ce qui avait fait dire à l'avocate Anne Bouillon, interrogée par RT France, que «l’institution a une part de responsabilité dans ce drame absolu», et conduit au déclenchement d'une enquête sur ces dysfonctionnements, puis à la création d'un fichier des personnes condamnées pour violences intrafamiliales (VIF) en juin 2021.

Cinq fois plus de victimes de violences sexuelles enregistrées entre 2017 et 2020 

Surtout, relève Basta!, le nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées par les forces de l’ordre a été multiplié par cinq entre 2017 et 2020. La publicité faite au Grenelle et la communication du gouvernement sur l'importance de cet enjeu, conjuguée à la mobilisation des associations féministes, a sans doute encouragé les victimes à se manifester auprès des forces de l'ordre. Cependant, les policiers ne semblent pas toujours pas suffisamment formés à accueillir les victimes. «Aujourd’hui, quand on porte plainte, on ne sait pas comment on va être reçue, combien de temps ça va prendre, si ça va aboutir… C’est dissuasif», confie ainsi l’avocate My-Kim Yang-Paya à Basta!. Les témoignages relatant un mauvais accueil de la part des fonctionnaires se sont multipliés et sont recensés, par exemple sur le site doublepeine.fr

Quant aux bracelets anti-rapprochement, ils sont au nombre de 1 000 à avoir été mis à la disposition des parquets, mais, en septembre 2021, seulement 341 avaient été prescrits par la justice et 245 d'entre eux activés. France Inter rappelait d'ailleurs que le juge ne peut pas imposer le bracelet anti-rapprochement au conjoint violent, dont il faut recueillir l'accord. En cas de refus, une enquête pénale doit être ouverte, allongeant ainsi les délais pour la mise en place d'une protection. La radio publique relevait également que ce dispositif représente «une grosse contrainte pour les victimes», qui n'ont pas la main sur le boîtier qui sonne dès que le conjoint violent est dans leur périmètre : «Certaines ont même demandé à arrêter le dispositif», précisait l'article.

Une «grande cause du quinquennat» en trompe-l'œil ?

S'agissant du budget de 360 millions d'euros annoncé en 2019, un rapport du Sénat remis en juillet 2020 faisait état de la difficulté à identifier la destination de ces fonds, affirmant qu'«il semblerait que la majeure partie de ce montant constitue des crédits déjà existants en 2019». Selon les sénateurs, la communication gouvernementale «laisse souvent à penser, à tort, qu’il s’agit de crédits nouveaux», alors qu'il est plus souvent question de crédits redéployés : «La mise en œuvre des mesures prévues dans ces fonds se fait donc au détriment d’autres actions initialement prévues, selon un jeu de vases communicants », pointait le rapport.

Un constat étayé par une partie des associations féministes : «On n’a pas eu d’augmentation de subventions. Il n’y a pas non plus eu de soutien des administrations publiques qui ont un rôle à jouer dans la lutte contre les violences au travail», regrette ainsi Marilyn Baldeck, présidente de l'association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT). Agacée par les critiques dans ce dossier, Marlène Schiappa avait réfuté sur Europe 1 avoir des relations tendues avec cette association. Les sénateurs relevaient pour leur part qu'un «nombre restreint d’associations a bénéficié d’une hausse de ses crédits». 

Les signataires de la tribune du 6 février proposent quant à elles d'investir un milliard d'euros par an pour mettre fin aux violences conjugales, «en formant les professionnels pouvant être en contact avec des femmes victimes de violences, en triplant les places d'hébergement spécialisé et en augmentant le financement des associations». Et aussi de mettre en place «des tribunaux et des brigades spécialisés, formés à la lutte contre les violences faites aux femmes», et de «créer une coordination nationale de la lutte contre les violences faites aux femmes sous l'égide du président ou de la présidente de la République».

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a défendu à plusieurs reprises le bilan du gouvernement dans ce domaine, assurant à nouveau sur France Inter, le 6 février, que les forces de l'ordre s'étaient adaptées face à la multiplication des signalements de violences conjugales, la «deuxième activité des policiers» après la lutte contre le trafic de drogue. En vantant des progrès sur le recueil des plaintes, tandis qu'«il n'y a plus de policiers qui ont été condamnés pour violences conjugales et qui restent policiers».

Un sujet remis à l'ordre du jour par le meurtre par strangulation, le 28 janvier, d'une femme par son conjoint policier, déjà connu pour des faits de violences conjugales. La majorité devra en tout cas convaincre de ses progrès sur le sujet, face à une critique sévère des associations féministes : «Ce quinquennat a raté #MeToo», a ainsi estimé auprès de Basta! Marilyn Baldeck, présidente de l’AVFT. «Il n’y a pas eu de grande réforme, malgré tout ce ramdam avec le Grenelle», a renchéri l'avocate My-Kim Yang-Paya.

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