Afghanistan : la mise en garde de Macron contre «les flux migratoires irréguliers» crée la polémique
Le président français a notamment annoncé vouloir mettre en place une politique européenne coordonnée afin de prévenir les risques de «flux migratoires irréguliers importants» venus d'Afghanistan qui «nourrissent les trafics de toute nature».
Emmanuel Macron a déclaré le 16 août dans une allocution télévisée consacrée à la situation en Afghanistan, désormais contrôlé par les Taliban, vouloir porter une initiative européenne visant à «anticiper» et «protéger contre des flux migratoires irréguliers importants» qui «nourrissent les trafics de toute nature». Des termes qui ont provoqué l'indignation d'une partie de l'opposition française, mais également de personnalités étrangères.
«Nous porterons donc, en lien avec la République fédérale d’Allemagne et d'autres Européens, une initiative pour construire sans attendre une réponse robuste, coordonnée et unie», a développé le président français, appelant à «la solidarité dans l'effort, l'harmonisation des critères de protection et la mise en place de coopérations avec les pays de transit».
Lors de son allocution télévisée, le chef de l'Etat a ajouté que «la France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés [...] mais l'Afghanistan aura aussi besoin dans les temps qui viennent de ses forces vives et l'Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent et nourriraient les trafics de toute nature».
Comparaisons avec Marine Le Pen
Le lanceur d'alerte Edward Snowden, très actif sur Twitter, a réagi en dénonçant selon lui la volonté du président français de «couvrir son flanc pour quelque élection, sans sauver des vies», qualifiant Macron d'«Emmanuel Le Pen».
This can't possibly be right, can it? Is it a mistranslation? This sounds an awful lot like Macron's priority when the Taliban are in the midst of door-to-door reprisals is covering his flank for some election, not saving lives. https://t.co/DOiOA6GBEc
— Edward Snowden (@Snowden) August 16, 2021
Les parallèles avec Marine Le Pen ont également abondé en France, où un journaliste de Mediapart a estimé que la principale opposante au chef de l'Etat français «n'aurait pas dit mieux».
"Des flux migratoires irréguliers importants qui nourrissent les trafics de toute nature."
— Mickaël Correia (@MickaCorreia) August 16, 2021
Le Pen n'aurait pas dit mieux.#Afghanistan#macron20hpic.twitter.com/K6kcaNamy3
Ce président indigne oublie le plus élémentaire devoir d'humanité
Toujours à gauche, le représentant de Génération.s Thomas Portes a vu dans les propos du président «les mêmes mots», «la même réthorique» et «la même indignité» que Marine Le Pen.
« Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants ». Après on nous dira mais non Emmanuel Macron c’est différent de Marine Le Pen. Les mêmes mots. La même réthorique. La même indignité. On va donc laisser des gens mourrir. #Afghanistanhttps://t.co/VWTEfdq38A
— Thomas Portes (@Portes_Thomas) August 16, 2021
Le député LFI Eric Coquerel a qualifié le discours d'Emmanuel Macron de «sordide» et son collègue insoumis Bastien Lachaud, pris de «nausée» selon ses dires, a estimé que «ce président indigne oublie le plus élémentaire devoir d'humanité et humilie la France devant le monde».
Les réfugiés fuient les Talibans en Afghanistan mais #Macron ne pense qu'à "nous protéger des flux migratoires" : #EmmanuelLePen a parlé. Ce président indigne oublie le plus élémentaire devoir d'humanité et humilie la France devant le monde. La nausée. #macron20hpic.twitter.com/bbKKjJR1bQ
— Bastien Lachaud (@LachaudB) August 17, 2021
Le secrétaire national d'EELV Julien Bayou a jugé que la France devait «prendre sa part»dans les flux migratoires venus d'Afghanistan. Le député européen EELV Yannick Jadot, candidat à la primaire écologiste pour la présidentielle de 2022, s'est dit «sidéré d'écouter Emmanuel Macron déclarant que les femmes, les hommes et les enfants qui fuient l'enfer des Talibans sont d'abord une menace, des "migrants irréguliers", avant d'être des victimes et potentiellement des réfugiés». «Macron fait honte à la France», a affirmé le maire écologiste de Grenoble Eric Piolle, autre candidat pour la primaire.
#Macron "nous devons nous protéger contre des flux migratoires irréguliers"
— Julien Bayou (@julienbayou) August 16, 2021
Et l'asile ? Et ces enfants, ces femmes, ces hommes qui fuient l'horreur ?
La France doit prendre sa part. Il faut du concret.#Afghanistan#macron20hpic.twitter.com/ygJuk5wd2Z
La sénatrice PS Laurence Rossignol a de son côté employé les termes de «cynisme» et de «honte» pour réagir aux propos du président. Il faut «protéger toutes celles et tous ceux qui relèvent désormais du droit d'asile», a affirmé le patron du PS Olivier Faure.
Qualifier de « flux migratoire irrégulier » des êtres humains qui fuient le fascisme des Talibans, des adolescentes futures victimes de viol et de mariage forcé, des femmes journalistes, juges ou maires, demain démises de leurs fonctions car femmes… quel cynisme. Quelle honte. https://t.co/77qJhFpATK
— Laurence Rossignol (@laurossignol) August 16, 2021
«"Flux migratoire irréguliers", c'est donc ce terme que les femmes et les hommes qui s'accrochent aux ailes des avions à Kaboul auront inspiré à Emmanuel Macron», a regretté le député ex-LREM Aurélien Taché, que le gouvernement avait chargé en 2017 d'un rapport sur l'intégration avant qu'il ne prenne ses distances avec la majorité.
🔴#Afghanistan : « J’ai été particulièrement choqué par l’expression de “flux migratoires irréguliers” de @EmmanuelMacron. Il faut proposer à tous ceux qui le souhaitent de pouvoir les évacuer. Nous devons remplir notre devoir élémentaire d’humanité ! »
— Aurélien Taché (@Aurelientache) August 17, 2021
Ma réaction @RMCinfo⤵️ pic.twitter.com/kfWGl4qx7O
Peu avant minuit le 16 août au soir, alors que les réactions à son allocution se multipliaient, le chef de l'Etat a précisé sur Twitter, à propos de ses déclarations «que certains veulent détourner», que «la France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés».