Rassemblement des policiers à Paris : la «récupération politique» en question
Alors que Gérald Darmanin et plusieurs figures de l'opposition de Yannick Jadot à Jordan Bardella ont annoncé leur venue au rassemblement des policiers à Paris devant l'Assemblée nationale, certains policiers dénoncent une récupération politique.
Avec un communiqué intersyndical mesuré publié le 18 mai, les organisations professionnelles des policiers essayent de reprendre la main sur leur propre rassemblement du 19 mai à Paris en annonçant un «rassemblement citoyen sans récupération politique», avant de préciser : «Ce rassemblement ne sera la tribune d’aucun parti ni d’aucun membre du gouvernement. Il sera celui de la population et de sa police, devant la représentation nationale qui vote les lois nécessaires à la sécurité de tous les citoyens.»
Sans citer les noms de Gérald Darmanin, ou d'opposants politiques qui ont annoncé leur venue, les policiers précisent ensuite : «Chacun est libre d’y participer mais nul ne confisquera la parole des policiers ni des citoyens. Nous rappelons qu’aucun responsable politique ne pourra accéder à la la tribune ni s’y exprimer demain.»
De fait, le programme annoncé dès la veille ressemblait plutôt à une succession de tribunes déjà chronométrées à la minute près, avec des visionnages de vidéos au sujet des violences contre les fonctionnaires, des prises de parole de syndicalistes, de proches de policiers grièvement blessés, mais également du comédien Gérard Lanvin. En fin de manifestation, un court concert, une minute de silence et la traditionnelle Marseillaise.
Darmanin qui vient manifester contre sa propre politique avec des syndicalistes bénis oui-oui. Elle est où la logique revendicative ?
Pas de quoi impressionner l'ancien syndicaliste policier et actuel porte-parole de l'association de policiers en colère UPNI, Jean-Pierre Colombiès. Interrogé par RT France, il a souligné le manque d'audace de ses anciens camarades syndicaux : «On est dans le convenu, le déjà-vu, mais avec une tonalité de récupération politicienne. Les collègues auraient dû refuser tout net la venue du ministre. C'est grotesque, c'est une mascarade, il ne manque plus que David Guetta aux platines. En tant que syndicaliste, on devrait taper du poing sur la table, négocier ferme avec le gouvernement et le traiter comme au moins un interlocuteur, sinon un adversaire dans certains cas... Là, ils sont presque bras dessus-bras dessous avec le ministre et valident leur propre allégeance à la politique du gouvernement puisqu'ils ne dénoncent pas.»
Et de rappeler des propos qu'il avait déjà tenu à plusieurs reprises : «Des syndicalistes dignes de ce nom auraient dû refuser de participer au Beauvau de la sécurité dès le début, déjà, et pas se contenter de suspendre leur participation comme ils le font actuellement. Là, on se retrouve avec Darmanin qui vient manifester contre sa propre politique avec des syndicalistes bénis oui-oui. Elle est où la logique revendicative ?»
L'ancien commandant de police souligne enfin : «Les politiques qui se rendent à cette manifestation instrumentalisent la mort des collègues qui ont été tués récemment et c'est très dommage, car le contexte est gravissime et les gens qui vont mal dans cette maison police méritent mieux que ces apprentis sorciers politiciens.»
Antoine Boitel