Suicide d'une policière : collectifs et syndicats montent au créneau contre l'administration
Interdits de se rassembler par la préfecture de police, le collectif Hors Service, l'association FFOC, les syndicats Vigi et FPIP ont donné une conférence de presse pour parler du suicide de leur collègue Aurélia qui avait mis en cause sa hiérarchie.
Une policière nationale prénommée Aurélia s'était suicidée avec son arme de service au mois de septembre 2020 quelques minutes après avoir enregistré un message vidéo dans lequel elle soulignait le rôle de l'administration dans sa descente aux enfers. Dans cette vidéo, elle désignait sans les nommer des collègues qui avaient pris, selon elle, un certain plaisir à la faire sombrer davantage et déplorait le manque de soutien d'une partie de sa hiérarchie après la grave blessure (des fractures) qu'elle avait endurée à la suite d'une course-poursuite.
Le collectif de policiers Hors Service dont la policière était sympathisante, les syndicats de police VIGI-MI et FPIP, ainsi que l'association des Femmes des forces de l'ordre en colère (FFOC) voulaient se rassembler en mémoire de la jeune fonctionnaire disparue. Mais la préfecture de police de Paris a retiré au dernier moment l'autorisation pourtant déposée préalablement.
Arrivés à la veille de l'événement, les militants policiers ont décidé de tenir malgré tout une conférence de presse à laquelle RT France a assisté ce 10 mars à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et au cours de laquelle, la vidéo-testament de la policière a été entendue (sans image, «par respect pour elle», ainsi que l'a précisé un membre de l'association Hors Service).
Au cours de la conférence de presse, les policiers militants ont particulièrement insisté sur la notion de syndrome de stress post-traumatique que vivent selon eux de nombreux membres des forces de sécurité. Ils ont également déploré que cette situation difficile ne soit pas reconnue par l'administration, au contraire de ce qui est pratiqué dans les armées.
Cédric Vladimir de Hors Service a expliqué : «Avec le syndrome post-traumatique, on a des flashbacks, des cauchemars, on vit l'enfer et la police nationale n'offre aucune solution à ça. Donc les policiers eux-mêmes ne se signalent même pas, souvent ils ne s'en rendent pas compte d'ailleurs. De toute façon, l'administration n'a pas de réponse pour eux.»
Le même policier, désormais «hors service» précise, à titre d'exemple, que lui-même a été la cible de tirs et qu'il a vu un collègue mourir dans ses bras, avant de devoir annoncer le décès à la mère du fonctionnaire. Il ajoute qu'il a de plus vécu le suicide de son coéquipier. Présenté à un psychiatre statutaire du ministère de l'Intérieur à la suite de ces traumatismes, il a eu le sentiment qu'on le poussait à revenir au travail et qu'on lui faisait comprendre que ces traumatismes étaient sans fondement.
1 200 suicides de policiers en 25 ans
Le militant policier, Alexandre Langlois du syndicat VIGI-MI, abonde et fournit des exemples similaires en rappelant : «Toutes les personnes réunies ici étaient déjà présentes à une marche contre le phénomène du suicide dans la police le 12 mars 2019, il y a pile deux ans... Depuis rien n'a changé et 78 autres policiers se sont suicidés. C'est dramatique, mais tout ce qu'on a eu, c'est un numéro vert de Christophe Castaner et la préconisation d'organiser des barbecues pour augmenter la convivialité. Et aujourd'hui encore, le préfet s'oppose à notre rassemblement.»
Chiffre choc avancé par le membre du collectif Hors Service : 1 200 policiers se sont suicidés depuis 25 ans.
Alors ces fonctionnaires qui rappellent qu'ils ont eux-mêmes tous eu maille à partir avec l'administration et qui déplore l'emprise des grands syndicats sur l'administration au sujet du suicide, veulent dire stop : «Il y a actuellement le “Beauvau” de la sécurité au ministère. Nous ne sommes pas conviés et aucun chantier n'est consacré au stress post-traumatique, ni à la gestion des policiers blessés en service. Le “Beauvau”, c'est bien joli, mais il faut parler des vrais sujets. Il faut une prise en charge adaptée !», déplore ainsi Cyril Hemardinquer du FPIP. Et d'ajouter : «On a une collègue, là, qui s'est sacrifiée et qui a expliqué son geste avec un témoignage filmé. Nous voulons une prise conscience et que la responsabilité de la hiérarchie soit engagée dorénavant.»
Aurélie Laroussie des FFOC dénonce pour sa part : «On comprend que ce que veut l'administration, en fait, c'est qu'un flic soit rentable, surtout quand on voit comment les proches des disparus sont traités. L'administration perd un matricule, mais nous, nous perdons, un parent, un mari, un frère.»
Et Cédric Vladimir de Hors Service de conclure : «De toute façon, si l'administration reconnaît le syndrome post-traumatique, il n'y aura plus un collègue sur le terrain, c'est ça la réalité, parce que nous sommes constamment traumatisés par ce que nous voyons au quotidien, comme les pompiers par exemple. Nous avons à peine le temps de nous remettre d'une situation qu'une autre arrive et les médecins statutaire sont là pour nous remettre sur la voie publique en faisant sauter l'arrêt de travail. Mais au bout de la chaîne, il faut comprendre que c'est le citoyen qui peut trinquer, parce que quand on nous a tiré dessus à la kalachnikov, on est pas forcément aussi patient après ça, notamment sur une manifestation par exemple. On parle de violences policières, mais il faut aussi que les fonctionnaires puissent travailler sereinement.» Le syndrome post-traumatique dans la police nationale : un problème de sécurité publique ?
Antoine Boitel