L'Autriche reconnaît des failles de renseignement en amont de l'attentat de Vienne
- Avec AFP
Signalé par le renseignement slovaque, ayant bénéficié d'une remise de peine après avoir tenté de rejoindre la Syrie et passé par un programme de déradicalisation manqué, comment le djihadiste Kujtim Fejzulai a-t-il pu tromper le BVT autrichien ?
Failles du service de renseignement, programme de déradicalisation ayant échoué à repérer la dangerosité de l'assaillant : le gouvernement autrichien a admis des erreurs le 4 novembre 2020, deux jours après l'attentat islamiste meurtrier qui a endeuillé Vienne.
Kujtim Fejzulai, le terroriste de vingt ans qui a ouvert le feu le soir du 2 novembre en plein centre ville, tuant quatre personnes et faisant plusieurs blessés, avait apparemment commencé à fomenter son projet dès l'été.
Ayant prêté allégeance au groupe djihadiste Daesh, qui a revendiqué l'attentat, il avait tenté de se procurer des munitions en Slovaquie. Les services secrets de ce pays voisin de l'Autriche avaient alors alerté leurs homologues à Vienne, a expliqué le 4 novembre le ministre de l'Intérieur Karl Nehammer.
«Il y a manifestement eu par la suite un problème au niveau de la communication», a-t-il déploré, visiblement ébranlé, selon l'AFP.
Et d'accuser son prédécesseur libéral-nationaliste, Herbert Kickl, «d'avoir causé des dommages durables, pour ne pas dire détruit» le BVT (Bureau pour la protection de la Constitution et la lutte contre le terrorisme).
Peu auparavant, ce même Herbert Kickl avait, devant la presse, dénoncé les ratés du renseignement autrichien, document à l'appui. «La question se pose de savoir si cet attentat aurait pu être évité. De notre point de vue, oui», avait-il lâché.
«Personne ne l'aurait cru capable d'un tel acte», assure l'avocat du djihadiste
Autre interrogation : comment Kujtim Fejzulai, «soldat du califat», a-t-il pu échapper au suivi des autorités judiciaires, dont il était connu ? Car cet Autrichien, dont les parents sont originaires de Macédoine du Nord, avait été condamné à une peine de prison en avril 2019 pour avoir essayé de rejoindre les rangs des combattants djihadistes en Syrie mais il avait été relâché au mois de décembre, de manière anticipée.
Intégré dans un programme de «déradicalisation», Kujtim Fejzulai avait réussi à «tromper» les personnes chargées de son suivi, a regretté le ministre de l'Intérieur. Ce n'était «certainement pas une bonne décision», a fustigé le chancelier conservateur Sebastian Kurz.
«Personne ne l'aurait cru capable d'un tel acte», a réagi auprès de l'AFP l'avocat Nikolaus Rast, qui avait défendu le djihadiste lors de son procès en avril 2019.
Après l'attaque qui a fait quatre morts... l'enquête suit son cours
Les enquêteurs, qui ont saisi «une grande quantité de matériel» au cours de perquisitions, cherchent par ailleurs à déterminer d'éventuelles complicités.
Ils interrogeaient toujours le 4 novembre 14 personnes, «âgées de 18 à 28 ans, issues de l'immigration et certaines n'étant pas des citoyens autrichiens» selon le ministre. Et précisent que l'analyse des vidéos, transmises à la police par les nombreux témoins de l'attentat, «a conforté la théorie d'un auteur unique».
Pour des experts évoqués par l'AFP, ce n'était qu'une question de temps avant que l'Autriche, vivier de «toute une nébuleuse islamique» avec de nombreux candidats au jihad, ne soit prise pour cible à son tour.
Dans une interview à la presse allemande, Sebastian Kurz a appelé l'Union européenne à mieux lutter contre l'«islam politique», une «idéologie» qui représente un «danger» pour le «modèle de vie européen».