Les banques françaises très exposées au schiste américain, malgré l’accord de Paris sur le climat
Une étude réalisée par deux ONG révèle que les banques françaises, Société générale en tête, ont apporté ensemble 24 milliards de dollars de financements au secteur américain des hydrocarbures de schiste.
Selon un rapport daté de mai 2020 réalisé par deux ONG françaises, les Amis de la Terre et Reclaim Finance, Société générale, Crédit agricole, BNP Paribas et BPCE, ont apporté à l'industrie nord-américaine des hydrocarbures de schiste 24 milliards de dollars (22,15 milliards d’euros) de prêts divers entre 2016 et 2019. Les lignes de crédit se répartissent entre l’exportation (11,6 milliards de dollars), la production (5,8 milliards de dollars) et le transport (6,5 milliards de dollars).
Société générale arrive largement en tête avec 10,9 milliards de dollars de financement, et, selon le rapport des deux ONG, ses soutiens ont augmenté chaque année depuis la COP 21, atteignant 1,3 milliard de dollars (1,2 milliard d’euros) en 2019.
De plus, les investisseurs français détiendraient, selon les auteurs du rapport, pour 12 milliards de dollars en actions et obligations dans les entreprises prévoyant de développer de nouvelles réserves de gaz et pétrole de schiste.
AXA et Rothschild & Co ont ainsi acheté des millions d’actions des entreprises de schiste américaines en déroute entre janvier et mars 2020, misant probablement sur un sauvetage futur avec de l’argent public américain.
Les ONG dénoncent la contribution des banques et compagnies d’assurance françaises au développement d’entreprises au «bilan écologique catastrophique». Elles soulignent également que les principales entreprises impliquées dans l’extraction et la vente d’hydrocarbures de schiste ont un «modèle économique chancelant».
En effet, malgré une baisse continue, les coûts de production de ce secteur énergétique ont presque toujours été plus élevés que le prix de vente du baril. L’année 2019 a d’ailleurs connu un nombre important de faillites.
Une étude de l’institut de recherche spécialisé américain IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis) montre en effet qu’en une décennie, les 34 principales compagnies nord-américaines (Canada inclus) du secteur des hydrocarbures de schiste ont dépensé 189 milliards de dollars de plus que le chiffre d’affaires généré par leurs ventes d’hydrocarbure, tout en versant de généreux dividendes à leurs actionnaires. Comment ? En souscrivant d’énormes emprunts à long terme qui ont constitué une source importante de revenus bancaires pour leurs créditeurs.
Cette industrie, il est vrai, a largement bénéficié du soutien de l’administration américaine, en particulier depuis l’élection de Donald Trump. Dès sa prise de fonction, le 45e président des Etats-Unis s’est retiré avec fracas du «terrible accord de Paris sur le climat», selon les termes employés dans communiqué publié en mai 2019 par la Maison Blanche et intitulé «Le président Donald J. Trump libère la domination énergétique américaine».
Le rapport souligne toutefois que BNP Paribas et Crédit mutuel ont adopté des politiques limitant leur exposition aux hydrocarbures de schiste, mais considère que celle de BNP Paribas «se révèle non seulement insuffisante sur le papier, mais pourrait aussi ne pas être respectée dans la réalité ».