Accord migratoire avec les États‑Unis : le Ghana face à sa Cour suprême

À la veille d’un verdict très attendu de la Cour suprême du Ghana, les tensions s’accentuent autour de l’accord controversé signé avec Washington pour accueillir 42 migrants ouest-africains expulsés des États-Unis. Entre illégalité présumée, opacité diplomatique et critiques internes, l’exécutif ghanéen est désormais sous le feu des projecteurs.
Le 13 octobre, un nouveau groupe de migrants ouest-africains expulsés des États-Unis est arrivé au Ghana. Ces quatorze personnes portent à 42 le nombre total de migrants concernés depuis le lancement discret de cet accord entre Washington et Accra en septembre dernier. Les autorités ghanéennes n’ont fourni aucun chiffre officiel, mais les informations ont été confirmées par l’avocat Oliver Barker-Vormawor, mandaté par des organisations de la société civile.
À leur arrivée, les migrants ont été conduits dans un camp militaire situé à Bundase, à environ 70 kilomètres d’Accra. D’après Democracy Hub, les conditions de détention seraient « déplorables et inhumaines », sans accès à un avocat ni à aucune procédure judiciaire. Ce traitement a conduit plusieurs ONG à déposer un recours devant la Cour suprême, jugeant l’accord anticonstitutionnel. « Nous restons optimistes, car les migrants n’ont commis aucun délit au Ghana pour être détenus dans ces conditions », a déclaré Oliver Barker-Vormawor.
Transferts secrets et tensions diplomatiques
En plus de la détention, certains migrants ont été transférés en toute discrétion vers des pays voisins, comme le Togo. Un migrant nigérian a confié avoir été emmené de nuit par des militaires ghanéens, sans documents, avant d’être « jeté » de l’autre côté de la frontière. Un hôtel togolais a confirmé avoir accueilli un migrant « sous le choc », privé de papiers et contraint de demander de l’aide par téléphone.
Face à ces révélations, l’accord bilatéral est de plus en plus contesté, notamment parce qu’il n’a pas été ratifié par le Parlement. Le principal parti d’opposition ghanéen, le NPP, parle d’« exécution illégale » et accuse le gouvernement de bafouer la Constitution. « Le Parlement est lié par la Convention contre la torture et la Convention sur les réfugiés, qui interdisent le renvoi de toute personne vers un pays où elle risque d’être maltraitée », a rappelé le professeur Kwadwo Appiagyei-Atua.
Le Ghana au pied du mur avant le verdict du 22 octobre
Alors que la pression populaire monte et que les critiques se multiplient dans les médias, le gouvernement tente de défendre sa position en invoquant des principes humanitaires. Le ministre des Affaires étrangères, Samuel Okudzeto Ablakwa, a précisé que seuls des migrants ouest-africains non criminels étaient concernés, et que le Ghana avait clairement refusé d’accueillir des non-Africains. « Cela a été directement et sans ambiguïté communiqué aux autorités américaines », a-t-il déclaré.
Mais les déclarations du même ministre fin septembre, suggérant que le Ghana avait obtenu en retour un assouplissement des visas américains et d’autres concessions commerciales, fragilisent cette position. Cette apparente transaction entre expulsions de migrants et avantages diplomatiques alimente les accusations de soumission aux intérêts américains et nourrit la colère de nombreux citoyens.
Le verdict de la Cour suprême est attendu le 22 octobre. Pour Democracy Hub, il ne s’agit pas seulement d’un litige sur l’accord, mais d’un enjeu de souveraineté et de respect des droits fondamentaux. Ce recours soulève des questions essentielles sur l’intégrité du processus démocratique, et le Ghana semble désormais piégé dans une affaire dont les conséquences pourraient dépasser le simple cadre juridique.