Présent à la conférence sur la sécurité internationale à Moscou, Pascal Boniface revient sur la présidentielle française pour RT International et analyse l'impact sur le vote des médias, des réseaux sociaux et des dirigeants étrangers.
RT : Après le premier tour de l'élection française, il y a eu de nombreux soutiens annoncés en faveur d'Emmanuel Macron, y compris de la part de figures importantes de l'Union européenne comme Frederica Mogherini. Peut-on dire qu'il s'agit d'interférence dans le processus électoral français ?
Pascal Boniface (P. B.) : D'un autre côté Vladimir Poutine a reçu Marine Le Pen et c'est aussi présenté comme une interférence dans la politique française. Les électeurs français décideront d'eux-mêmes. Je ne pense pas que les conseils venant de l'extérieur, venant de dirigeants d'autres pays, puissent interférer dans une élection nationale. En réalité, les électeurs vont prendre leurs propres décisions sans tenir compte des positions de Frederica Mogherini, de Donald Trump ou de Vladimir Poutine. Ce sera une décision nationale quelle que soit ou quelle que sera la préférence du reste du monde.
RT : Qu'en est-il de l'influence des médias ?
P. B. : Il est vrai que la plupart des journaux et des chaînes de télévision font campagne pour Emmanuel Macron. Il y a une énorme majorité dans les médias en faveur d'Emmanuel Macron. Mais les médias ne sont pas les seuls qui peuvent influencer le vote. Les réseaux sociaux sont également très influents. S'il est vrai qu'Emmanuel Macron est promu par les médias, ce ne sera pas la raison pour laquelle il sera élu – si c'est le cas. Emmanuel Macron apparaît – à juste titre ou non – comme un nouveau venu. Je pense que de nombreux électeurs français souhaitaient avoir un nouveau choix possible.
Personne ne peut promettre aux Français que si il ou elle était élu(e) il n'y aurait plus d'attaques terroristes
RT : Il y a eu plusieurs attaques terroristes ces dernières années en France. Une a eu lieu quelques jours avant le premier tour. Cet échec à protéger les populations et cette menace terroriste affectent-ils l'élection présidentielle ?
P. B. : Je ne pense pas qu'il s'agit d'un échec à protéger la population, car le risque zéro n'existe pas. Tous les pays peuvent être touchés par le terrorisme. Je pense que le gouvernement et la police ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour prévenir les attaques terroristes mais je pense que personne ne peut promettre aux Français que si il ou elle était élu(e) il n'y aurait plus d'attaques terroristes.
Je pense également que nous nous sommes habitués à être confrontés aux risques terroristes et je ne pense pas que cela puisse influencer le vote de la population. Même cette attaque, deux jours avant le premier tour, n'a pas affecté le vote car la menace terroriste a été prise en compte depuis longtemps.
Je pense que le Brexit a permis une clarification de la situation
RT : Après le premier tour, on se rend compte que plus de 40% des électeurs français souhaitent une importante révision de la construction européenne. Pensez-vous que l'Europe est plus divisée depuis le Brexit ?
P. B. : Je ne pense pas que l'Europe soit plus divisée à cause du Brexit, car le Royaume-Uni a toujours été un partenaire réticent. Je pense que le Brexit a permis une clarification de la situation. Nous devons attendre deux événements : les élections françaises et allemandes. Nous pourrions avoir un nouveau départ. Le nouveau président français et le nouveau chancelier allemand pourraient réagir ensemble et permettre de faire repartir à zéro la construction européenne.
C'est une erreur de la part de l'OTAN de mener cette politique de diabolisation de la Russie
RT : Vous êtes venu à la conférence internationale sur la défense globale à Moscou, mais aucun représentant de l'OTAN n'est présent malgré les invitations. Comprenez-vous pourquoi ?
P. B. : C'est une erreur de la part de l'OTAN de mener cette politique de diabolisation de la Russie. L'OTAN est une organisation née sous la guerre froide. Certaines personnes ont encore des sentiments et des perceptions datant de la guerre froide. Je pense que nous pouvons avoir des différences et différends, mais il est important de pouvoir communiquer, d'avoir des contacts, de pouvoir échanger plutôt que d'alimenter un cercle vicieux. Je ne trouve pas, dans la situation actuelle, cela très intelligent d'avoir demandé au Monténégro d'intégrer l'OTAN. L'OTAN n'a pas besoin du renforcement militaire du Monténégro.
J'ai d'importants désaccords avec, par exemple, la politique russe menée en Syrie mais nous devons parler tous ensemble. Ne pas communiquer est une erreur. Nous somme dans un monde globalisé et la Russie est un pays important. Au sein de l'OTAN, certaines personnes ont une attitude ambiguë : elles pensent que la Russie représente toujours une menace, mais de l'autre côté la considèrent toujours comme le perdant de la guerre froide qui ne mérite pas que l'on s'intéresse à ses sentiments, envies ou actions. Or, pour moi, la Russie est un partenaire. Un partenaire difficile, mais un partenaire.
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