Tirs de kalashnikov, affrontements ethniques : crise préélectorale en Côte d'Ivoire
- Avec AFP
La Côte d'Ivoire a plongé dans une violente crise préélectorale, avec au moins sept morts et une quarantaine de blessés dans le cadre d'affrontements intercommunautaires en amont de l'élection présidentielle.
«Il y a quatre morts retrouvés dans une cour de Dabou aujourd'hui trois morts hier [ainsi qu'une] quarantaine de blessés», a fait savoir le 21 octobre Remy Nzi Kanga, le préfet de Dabou, ville ivoirienne située à quelques kilomètres à l'ouest de la capitale Abidjan.
Ainsi que le rapporte l'AFP, le préfet a décrété un couvre-feu de 19h à 6h jusqu'au 25 octobre, après avoir évoqué la présence dans la ville d'une milice armée de kalachnikovs, soulignant que les jeunes de la région n'avaient «pas ce type d'armes». Remy Nzi Kanga a par ailleurs assuré que la situation était en voie de normalisation après l'envoi de renforts.
Toutefois, les craintes d'une recrudescence des violences meurtrières sont grandes, dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts. Et de fait, une vingtaine de personnes sont décédées depuis le mois d'août dans des violences liées à la présidentielle du 31 octobre.
Alors que le président ivoirien Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2010, se présente pour un troisième mandat controversé, les candidatures de plusieurs figures de l'opposition ont été invalidées.
«Des tirs de kalachnikov»
Selon des habitants de Dabou, les troubles ont débuté le 19 octobre et ont dégénéré en affrontements intercommunautaires dès le lendemain entre Adioukrous, une ethnie locale réputée favorable à l'opposition, et Dioulas, ethnie du Nord réputée pro-pouvoir, relève l'AFP qui précise qu'un jeune a été tué à coups de machettes à Kpass, en périphérie de Dabou, le 20 octobre.
«Nous avons été agressés hier [20 octobre] par des individus armés de couteaux, machettes et de gourdins. Nous déplorons la mort d'un élève de 20 ans, tué à l'arme blanche à son domicile par les agresseurs», a affirmé à l'AFP Gbari Kock Yed, chef du village de Kpass, qui compte un millier d'habitants.
«L'attaque a été menée par des jeunes Malinkés ou Dioulas qui ont incendié une partie de l'école du village, pillé le domicile des enseignants et brutalisé plusieurs villageois», a-t-il détaillé ensuite.
Après une accalmie dans la matinée du 21 octobre, «il y a eu des tirs de kalachnikov. La situation s'est aggravée avec des feux au nord et au sud de la ville», a déclaré le maire de Dabou.
Un autre habitant a rapporté à l'AFP que «les autres habitants des villages environnants crient vengeance et projettent une descente musclée sur la ville. Nous avons peur, nous sommes cloués à la maison».
L'opposition dénonce un «coup d'Etat électoral»
A Abidjan, l'opposition ivoirienne a estimé que la mission de médiation ouest-africaine venue dans la capitale ivoirienne avant la présidentielle avait été un «échec» et a demandé à ses militants d'intensifier leurs actions de «désobéissance civile».
«Nous réitérons notre disponibilité et notre ouverture à une négociation internationale», a toutefois précisé le porte-parole de l'opposition Pascal Affi N'Guessan, candidat à la présidentielle au nom du Front Populaire Ivoirien (FPI).
Le 19 octobre, la Cédéao avait appelé tous les acteurs de la scène politique ivoirienne à des efforts pour apaiser la situation, invitant l'opposition à «reconsidérer sérieusement sa décision de boycotter l'élection» ainsi que «son appel à la désobéissance civile».
«La désobéissance civile continue et doit s'intensifier de manière pacifique pour mettre fin au coup d'Etat électoral», a répondu Affi N'Guessan, cité par l'AFP.
Il a affirmé que lui-même et Henri Konan Bédié, le chef du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, principal mouvement d'opposition), maintenaient leurs candidatures à la présidentielle, tout en boycottant le processus électoral.
«Nous sommes jusqu'à preuve du contraire candidats pour qu'il y ait un processus électoral inclusif», a-t-il expliqué.
Une partie de l'opposition réclame notamment une refonte de la commission électorale indépendante (CEI) et du Conseil constitutionnel qu'elle juge «inféodés au pouvoir».
Au terme d'une réunion le 21 octobre entre le pouvoir et les partis d'opposition à laquelle n'ont assisté ni le FPI ni le PDCI, Sidiki Diabaté, ministre de l’Administration du territoire, a ouvert la porte à une réforme de la CEI : «Le gouvernement a décidé d’examiner favorablement et dans les meilleurs délais les requêtes portant sur la commission électorale indépendante», a-t-il assuré.