Proche-Orient : face à la crise des réfugiés, le Liban commence à expulser des Syriens
Les forces de l'ordre libanaises ont évacué 1 500 Syriens en situation irrégulière en vue de les expulser vers la Syrie, et 1 100 autres pourraient suivre. Pour aider à l'accueil des réfugiés au Liban, l'Union européenne a promis une aide d' un milliard d'euros. Un soutien financier critiqué par l'ensemble de l'échiquier politique libanais.
Vivant dans un complexe commercial situé à Deddé, au Liban-Nord (caza du Koura), ainsi que dans un campement à proximité, 1 500 Syriens ont été «évacués» le 20 mai par les forces de l'ordre, a rapporté le 23 mai L'Orient-Le Jour. Ces Syriens, en situation irrégulière, vivaient au Liban «pour des raisons économiques et non pas parce qu'ils avaient des problèmes avec le régime syrien», a déclaré au média francophone le chef de cette municipalité, Rabih Ayoubi.
Citant le chef d'une de la municipalité de Kouba, Élias Mello, L'Orient-Le Jour ajoute que 1 100 Syriens en situation irrégulière y "«ont été notifiés de leur expulsion imminente, avec un ultimatum fixé pour le 28 mai».
La crise des réfugiés syriens est un sujet de préoccupation majeur des Libanais, alors que le pays du Cèdre n'a plus de gouvernement, ni de président, depuis l'automne 2022, que les pénuries s'accumulent et que la monnaie a perdu près de 90% de sa valeur. Depuis la crise en Syrie en 2011, le Liban a été un pays d'accueil pour de nombreux Syriens qui ont fui le conflit. Aujourd'hui, selon les estimations, entre 1,6 et 2 millions de réfugiés vivent au pays du Cèdre sur une population libanaise de 5 millions. Certains sont en situation irrégulière et vont être expulsés du Liban.
Une aide européenne très critiquée au Liban
Les dernières expulsions avaient provoqué un tollé auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Dans un mémorandum adressé au gouvernement libanais, l'organisme onusien avait dénoncé des «mesures inhumaines» décidées par le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, pour sévir contre les Syriens vivant clandestinement dans le pays, s'attirant les foudres des autorités libanaises.
Il existe en effet un consensus, au sein de l'échiquier politique libanais, sur la question du retour des réfugiés syriens dans leur pays. Le ministre libanais des Affaires étrangères avait ainsi exhorté le HCR à ne pas «s'ingérer» dans les affaires du pays du Cèdre. D'autres critiques émanent également d'Amnesty International qui a publié le 16 mai un document intitulé «Liban : des centaines de milliers de réfugiés syriens exposés à un risque imminent d'expulsion».
Pour tenter de résoudre cette situation, la cheffe de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé le 2 mai une aide d'un milliard d'euros, étalée sur la période 2024-2027, afin notamment de soutenir le Liban dans son accueil des réfugiés syriens. Une enveloppe largement critiquée par la classe libanaise dans son ensemble, qui appelle à refuser «ce pot-de-vin», comme le rapportait L'Orient-Le Jour. Ce soutien financier n'est pas sans rappeler celui de Bruxelles à la Turquie, afin d'endiguer le flux migratoire vers le continent européen.
«Si l'on fait cela, ce n'est plus un milliard que nous donnera l'UE. C'est 20 milliards, 30», avait mis en garde le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, lors d'un discours le 13 mai. «Nous n'avons jamais dit qu'il fallait obliger les Syriens à monter dans un bateau pour fuir !», avait-il déclaré. «Mais permettez-leur de quitter légalement, en adoptant une loi nationale qui dirait : la mer est ouverte ! Partez, vous avez le droit !», avait-il ajouté.