Paris : deux mois après son inauguration, la police municipale fait grève et manifeste
Les agents de la ville de Paris se mobilisent ce 16 décembre en manifestant sous les fenêtres de la direction de la nouvelle police municipale qu'ils considèrent comme «montée à la va-vite» pour satisfaire l'agenda électoral d'Anne Hidalgo.
Les agents de la police municipale de Paris débraient ce 16 décembre et manifestent sous les fenêtres de leur direction à l'appel d'une intersyndicale UNSA/FO/UCP/CFTC. «Cette police municipale, elle est morte dans l'œuf», avait confié à RT France le délégué Unsa Police Jacky Mahé le 13 décembre lors d'un rendez-vous dans les locaux du syndicat et alors qu'une grève en intersyndicale se préparait. A peine inaugurée au mois d'octobre, elle devait notamment servir de vitrine sécuritaire à Anne Hidalgo, candidate socialiste pour la présidentielle de 2022.
«La future police municipale de Paris en colère» ou encore «en grève», peut-on lire sur des pancartes amenées par les manifestants réunis aux abords de l'Hôtel de ville, dans le IVe arrondissement de la capitale. Les sifflets étaient au rendez-vous en milieu de matinée, comme a pu le constater le journaliste de RT France Antoine Boitel, qui couvre l'événement.
« Police municipale en colère, Hidalgo donne nous les moyens de travailler, respecte nous! » pic.twitter.com/AZjy0dbYG1
— Antoine B (@AntoineLaBoite) December 16, 2021
Selon les représentants des syndicats interrogés, l'Unsa et Force ouvrière, le problème a été pris à l'envers. Au lieu de constituer une police municipale puis de recruter en fonction des besoins, Paris doit composer avec des agents de la ville qui ont le plus souvent été recrutés sur des fonctions très éloignés des métiers de la sécurité. La moyenne d'âge de ces effectifs, selon la même source est en soi problématique : 49 ans.
Anne Hidalgo et son équipe avaient fait la promotion d'une police municipale n'entrant pas en concurrence avec les attributions de la préfecture de police et qui serait plus centré sur la lutte contre les incivilités ou les nuisances. Mais ce faisant, les missions de prévention qui étaient assurées par les équipes de médiation par exemple vont se dissoudre dans celles de la police. «Les jeunes de quartier ont déjà prévenu certains collègues de la médiation que les relations seraient très différentes quand ils reviendront avec le blason police floqué sur leurs équipements», alerte un des délégués de l'Unsa.
Déjà des départs ?
Le changement de cycles horaires – directement importés de la police nationale par un commissaire divisionnaire en détachement placé à la tête de la Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection (DPSP) parisienne – inquiète également les syndicalistes qui y voient un nouveau défi à relever pour des agents avec des vies de familles déjà réglées et qui habitent parfois loin de leur lieu de travail. Par ailleurs, les syndicats s'inquiètent des volumes de formation et d'entraînement des agents qui, compte tenu du nombre important de personnels, pourront difficilement rendre la police municipale opérationnelle dans les délais impartis.
Pire, à écouter l'Unsa, la constitution de cette police municipale à marche forcée pourrait placer certains agents dans des situations de risque vital : «Une intervention contre une incivilité banale comme un jet de mégot par terre peut très bien dégénérer rapidement à Paris. Et dans ce cas-là, l'agent va peut-être confronté à de la violence physique... Il aura alors sa seule formation aux gestes de protection et un bâton de défense pour répondre.»
Et en ce qui concerne la formation, les syndicats expliquent qu'elle va justement être réduite de 75% pour les agents du fait du volume de personnes à former : de 282 heures à seulement 70 heures par an.
Résultat : alors que la ville prévoit de former 154 agents avec une première promotion nommée La Reynie (en l'honneur du premier lieutenant de police de la ville, sous Louis XIV), un certain nombre aurait déjà des envies de départ : plusieurs dizaines selon les syndicats, mais seulement sept selon Nicolas Nordman, l'adjoint d'Hidalgo en charge de la sécurité et de la police municipale.
Le constat des syndicats est quant à lui sans appel : d'autres collectivités franciliennes voisines sont plus attractives pour les policiers municipaux tant au niveau des salaires que des conditions d'exercice et donc de la qualité de vie. L'intersyndicale dénonce ainsi «un manque d'attractivité» de cette police municipale qui va se voir concurrencée par ses voisines. «Un agent en début de carrière gagnera 1900 euros net avec les contraintes horaires chez nous… dans d’autres collectivités d’Ile-de-France, il gagnera 2300 euros sans heures supplémentaires !», alerte le tract qui annonce la manifestation de ce 16 décembre.
Antoine Boitel