«Mensonges d'Etat», accusations d'ingérence : Macron dénonce la politique d'Erdogan
Lors d'une interview sur France 5, le président français s'en est pris à son homologue turc. Listant les désaccords entre les deux pays, pourtant alliés au sein de l'OTAN, il a notamment accusé Ankara de tentative d'ingérence dans la présidentielle.
Interrogé dans le cadre de l'émission C dans l'Air diffusée le 23 mars sur France 5, le président français Emmanuel Macron a mis en garde contre «les tentatives d'ingérence» de la Turquie dans les prochaines élections présidentielles de 2022.
Durant cette émission entièrement consacrée au président turc Recep Tayyip Erdogan, le chef de l'Etat a évoqué, durant une dizaine de minutes, les relations entre la France et la Turquie en prévenant qu'il y aurait des tentatives d'ingérence pour la prochaine élection présidentielle. «C'est écrit, et les menaces ne sont pas voilées», a-t-il déclaré.
Sur les relations entre les deux pays, le chef de l'Etat a affirmé qu'il fallait faire preuve de lucidité. «J'ai noté depuis le début de l'année une volonté d'Erdogan de se réengager dans la relation. Je veux croire que c'est possible», a déclaré le président français. «Mais je pense qu'on ne peut pas réengager [une relation] quand il y a des ambiguïtés. Je ne veux pas réengager une relation apaisée si il y a derrière de telles manœuvres qui se poursuivent», a-t-il dit.
Abordant les condamnations venues d'Ankara après son discours prononcé à l'automne sur «le séparatisme islamiste», le président français a fustigé «une politique de mensonges d'Etat relayés par les organes de presse contrôlés par l'Etat turc» et par «certaines grandes chaînes contrôlées par le Qatar».
«La France a été très claire. Quand il y a eu des actes unilatéraux en Méditerranée orientale, nous les avons condamnés et nous avons agi en envoyant des frégates», a affirmé Emmanuel Macron s'agissant des tensions en Méditerranée qui impliquent la Grèce et la Turquie, déplorant que l'OTAN ne soit «pas suffisamment clair» avec Ankara. «Nous avons besoin de clarifier la place de la Turquie dans l'OTAN», a-t-il estimé.
Si les Turcs ouvrent les portes, «vous avez trois millions de réfugiés syriens qui arrivent en Europe»
Sur l'immigration, le président a rappelé que la Turquie était un partenaire de la France et que l'UE et la Turquie ont conclu en 2016 un accord migratoire revenant à confier à Ankara la gestion de l'immigration illégale. Il a indiqué que la Turquie accueillait sur son sol plus de trois millions de réfugiés syriens, saluant le fait qu'elle avait «pris ses responsabilités». Le chef de l'Etat a affirmé qu'il était absolument nécessaire de travailler en collaboration avec la Turquie : «S'ils [les Turcs] ouvrent les portes, vous avez trois millions de réfugiés syriens qui arrivent en Europe», a-t-il mis en garde.
Les relations bilatérales entre les deux pays se sont fortement dégradées avec l'offensive turque en octobre 2019 en Syrie contre les forces kurdes qui sont alliées aux Occidentaux. L'interventionnisme turc en Libye, en Méditerranée orientale (où un incident a opposé des bâtiments turc et français en juin 2020) et la lutte contre l'extrémisme islamique en France ont aussi creusé les divergences entre les deux pays.
Le 4 décembre, le président turc Recep Erdogan avait tenu des propos particulièrement durs à l'endroit de son homologue français, souhaitant voir la France «se débarrasser du problème Macron le plus tôt possible», précisant qu'avec ce dernier, la France «vivait une période très dangereuse». Ce 23 mars, le président français a néanmoins estimé : «[Il faut] un dialogue avec la Turquie, il faut tout faire pour qu'elle ne tourne pas le dos à l'Europe et n'aille pas vers plus d'extrémisme religieux ou des choix géopolitiques négatifs pour nous.»