Troisième confinement : la France se révoltera-t-elle contre les nouvelles mesures anti-Covid ?
Alors que l'annonce d'un troisième confinement semble proche, l'exécutif prendrait avec sérieux les menaces de désobéissance civile. La France peut-elle subir un mouvement massif de refus des restrictions sanitaires ?
La tribune au vitriol de Francis Lalanne, appelant vertement à la destitution d'Emmanuel Macron, serait-elle un symptôme de l'état d'esprit des Français ?
Selon plusieurs sources d'information, l'Elysée craint en effet les nombreux appels lancés sur les réseaux sociaux, invitant les Français à se rebeller contre les probables annonces de restrictions liées au Covid-19. Les récents événements n'ont fait qu'alimenter cette peur, avec des images d'émeutes au Danemark ou aux Pays-Bas durant la nuit du 25 janvier. Celles-ci ont fait le tour d'internet et des médias.
En France, le hashtag #JeNeMeConfineraiPas se répand au demeurant depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux. Un slogan partagé par des individus d'origines sociales diverses : des étudiants, des entrepreneurs, des militants et politiques comme Florian Philippot, etc. Avec ce hashtag, une rengaine s'installe, celle de la perte de confiance dans le gouvernement.
Dans le déclenchement de cette colère grandissante, nul doute que les fuites parues dans le JDD le 24 janvier ont mis le feu aux poudres. Le journal assurait, d'après «plusieurs sources haut placées au sein de l'exécutif», qu'un troisième confinement n'était plus qu'une question de jours. Mais ces fuites n'étaient-elles pas une tentative, pour le gouvernement, de tester l'opinion publique avant l'annonce ? D'aucuns ont critiqué le JDD, vu comme un relai officieux du gouvernement : «La Pravda de la macronie», comme l'a notamment décrit l'avocate de gauche Caroline Mécary. Après cette parution fort critiquée, au fil des jours, tant le gouvernement que son conseil scientifique ont tenu des positions mouvantes, se contredisant parfois, jusqu'à ce que l'idée d'un troisième confinement soit finalement officiellement repoussée, avec l'hypothèse malgré tout que celui-ci soit «très serré». Des paroles qui n'ont fait que nourrir la contestation.
La rédactrice en chef de Marianne Soazig Quéméner confirme de fait sur France 5 que La République en marche (LREM) redoute la convergence entre les éventuelles mobilisations dans la rue et celles sur les réseaux sociaux, leur «rappelant des mauvais souvenirs, [...] les Gilets jaunes». Comment l'exécutif pourrait-il d'ailleurs ne pas être inquiet en voyant sa cote de popularité baisser jour après jour ?
Lors d'un point presse le 27 janvier, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a reconnu qu'il y avait «une lassitude chez beaucoup de Français» et «chez nos soignants» face à la crise sanitaire. L'ancien ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, devenu chef de file des députés LREM, concède auprès du Parisien que «le risque en refermant le pays, c'est la désobéissance civile de certains». «D'un point de vue sanitaire, si tout le monde pouvait rester chez soi, ce serait formidable. Mais d'un point de vue politique, on est sur un terrain glissant», dit-il en outre.
La France, loin de la chienlit
Le gouvernement peut-il empêcher la révolte ? La communication sera forcément au cœur de la parole publique. Dans cet objectif, la conférence de presse du ministre de la Santé Olivier Véran le 28 janvier avait semble-t-il pour but de préparer les esprits des «Gaulois réfractaires» à la mise en place de nouvelles mesures contraignantes. La situation épidémique présentée était largement catastrophiste, Olivier Véran ayant précisé que la future décision gouvernementale se ferait avec une concertation préalable des forces politiques. L'opposition ne semble néanmoins pas dupe de la manœuvre. Sur Twitter, le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, ironise par exemple sur le fait que «la concertation commence après qu'en réalité, les décisions [ont] été prises».
Comme à chaque fois la concertation commence après qu’en réalité les décisions aient été prises. Sans jamais aucune étude d’impact ni éléments. La concertation entre dans le teasing et dans la communication d’1 Gvt qui n’écoute jamais mais redoute la critique. https://t.co/plqW785NyI
— Olivier Faure (@faureolivier) January 27, 2021
Reste qu'entre la colère exprimée sur internet et la révolte incontrôlable de type Gilets jaunes, la frontière n'est peut-être pas si fine. Le politologue Jérôme Fourquet affirme, le 28 janvier dans l'Express, que si la France est actuellement dans un état «d'épuisement moral et de fatigue psychologique important», le pays, contrairement à ceux du Nord de l'Europe, «met plus l'accent [...] sur la sécurité que sur la liberté». «En septembre dernier, les mobilisations anti-masques, sur fond de revival Gilets jaunes, ont fait un flop total en France. La mayonnaise n'a pas pris», ajoute-t-il, constatant que les dispositifs d'aides financières pour les chefs d'entreprises ou le chômage partiel permettent de «limiter les dégâts». «On ne voit pas se dessiner la silhouette d'une émeute», assure-t-il.
Il faudrait donc plus d'un déclic pour que la France désobéisse majoritairement et violemment. Toujours est-il que des élections régionales et départementales auront lieu en juin, derniers scrutins avant la présidentielle de 2022. La macronie pourrait redouter que les Français traduisent davantage leur lassitude et leur colère latente dans une contestation électorale.
Bastien Gouly