Etat d'urgence sanitaire, confinement : le gouvernement mis en difficulté à l'Assemblée nationale
- Avec AFP
L'opposition a réussi à avancer la date de fin de l'Etat d'urgence au 14 décembre et à conditionner un reconfinement potentiel à l'accord du parlement au grand dam de l'exécutif. Les députés LREM n'étaient pas suffisamment nombreux au moment du vote.
Des oppositions très remontées, des députés LREM trop peu nombreux : l'examen le 3 novembre au soir du projet de loi clé sur la prolongation de l'état d'urgence sanitaire s'est enlisé, entre votes litigieux et suspensions de séance.
Ce projet de loi, discuté en nouvelle lecture, prévoyait une prorogation de l'état d'urgence face à l'épidémie de coronavirus jusqu'au 16 février. Ce régime d'exception permet de limiter drastiquement les déplacements ou de confiner la population. Mais dès son article 1er, les ennuis ont commencé pour le gouvernement, qui avait déjà eu une journée compliquée par le cafouillage autour d'un éventuel couvre-feu en Ile-de-France.
Les oppositions sont parvenues à faire voter une limitation de la prolongation de l'urgence jusqu'au 14 décembre seulement.
À la surprise générale, un amendement LR est adopté contre l'avis de la majorité et du gouvernement. Il fixe la date de la fin de l'état d'urgence sanitaire au 14 décembre 2020, au lieu du 16 février 2021. #DirectAN#Covid19#PJLEUSpic.twitter.com/ZeFF5T2MQQ
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Pas question de mettre la vie démocratique «sous cloche»
«Les fêtes de fin d'année sont un moment privilégié» et «il convient de tout mettre en œuvre pour permettre aux Français de se retrouver en famille», a plaidé l'auteur de l'amendement adopté, Josiane Corneloup (LR), qui a poussé pour ce «point de situation avant les vacances de Noël».
D'autres groupes politiques avaient demandé une telle clause de revoyure début décembre ou bien en janvier, jugeant le 16 février trop lointain. «Personne n'est d'accord» avec cette date, a souligné Cécile Untermaier (PS). Pas question de mettre la vie démocratique «sous cloche» si longtemps, a renchéri Pascal Brindeau (UDI).
La majorité est incapable d'être rassemblée sur un texte sur l'urgence à 21h
Pourtant le gouvernement «souhaite inscrire la date du 16 février» car «nous sommes en situation de crise, les Français comprennent que pour agir, il faut de la visibilité», avait déclaré au préalable la ministre déléguée Brigitte Bourguignon. Cette prorogation est «à la fois nécessaire, adaptée et proportionnée» à la situation sanitaire, a ajouté le rapporteur Jean-Pierre Pont (LREM).
Or la majorité s'est retrouvée minoritaire au moment du vote. Suspensions de séance et chahut ont suivi. «La majorité est incapable d'être rassemblée sur un texte sur l'urgence à 21h», a fustigé Philippe Gosselin (LR) tandis qu'Emmanuelle Ménard, proche du RN, lançait aux élus LREM : «Vous voulez les pleins pouvoirs mais vous n'assumez pas.»
Pas de renouvellement du confinement sans accord du Parlement
Un nouveau vote compliqué s'est ensuivi : un amendement de Paul Molac (Libertés et territoires) a été adopté contre l'avis du gouvernement. Il prévoit que le confinement décrété par l'exécutif à partir du 30 octobre ne puisse être renouvelé au-delà du 30 novembre qu'après accord du Parlement.
Rapidement de retour au Palais Bourbon, le ministre de la Santé Olivier Véran a peu après demandé la «réserve des votes» sur les amendements et articles restants, ce qui remet les scrutins au moment où le gouvernement le choisira. «Je ne voudrais surtout pas que nous ayons à présenter aux Français un texte tellement déstabilisé», a justifié le ministre.
Le Covid ne vous donne pas le droit de piétiner la démocratie
Le gouvernement a le moyen de revenir sur ces deux votes avant l'adoption définitive du projet de loi qui est prévue le 6 novembre mais pourrait être repoussée. Il ne l'a pas annoncé à ce stade mais pourrait demander une nouvelle délibération sur les deux amendements, ou recourir à la procédure du vote bloqué, selon des députés interrogés par l'AFP.
«Personne n'est dupe», a lancé la chef de file des députés PS, Valérie Rabault, à l'annonce de la réserve des votes. «Le Covid ne vous donne pas le droit de piétiner la démocratie», s'est élevée Mathilde Panot (LFI). «Ce n'est pas en faisant de la démagogie que l'on combat le virus mais en ayant du courage politique», a rétorqué Christophe Castaner, président des députés LREM, alors que de nouveaux amendements avaient été présentés pour permettre des réouvertures de commerces de proximité.
L'Assemblée débat sans fin «alors que nos soignants se battent pour sauver des vies», a aussi opposé Olivier Véran dans un coup de sang, s'attirant les foudres des LR notamment.
"C'est ça la réalité, si vous ne voulez pas l'entendre, sortez d'ici !", assène @olivierveran en décrivant de jeunes patients actuellement en réanimation.
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> Le face à face se durcit entre le gouvernement et Les Républicains#PLF2021#DirectAN#PJLEUSpic.twitter.com/sUMIDr99F4
Leur patron Damien Abad a alors appelé les députés à se lever pour applaudir le personnel soignant. Puis la «marcheuse» Patricia Mirallès, «survivante du Covid», a demandé une minute de silence pour «toutes les personnes mortes aujourd'hui».
Les échanges doivent reprendre ce 4 novembre après-midi sur la centaine d'amendements restants.
Autre signe que ces trois mois supplémentaires d'état d'urgence passent difficilement : le Sénat, dominé par l'opposition de droite, avait, lui, limité le 30 octobre la prolongation au 31 janvier.