130 djihadistes de Daesh rapatriés en France pour être jugés ? Le gouvernement dément
Réagissant à une information de BFM TV, le gouvernement français a démenti vouloir rapatrier 130 djihadistes de Syrie en France. Les autorités reconnaissent toutefois étudier «toutes les options» pour les Français détenus en Syrie.
Près de 130 djihadistes français, détenus dans des camps en Syrie sous la surveillance des Kurdes, seront-ils rapatriés dans les prochaines semaines en France pour y être jugés ? C'est ce que rapportait BFM TV citant des sources concordantes ce 29 janvier.
Paris dément, mais étudie «toutes les options»
Les autorités françaises ont rapidement réagi à la publication de l'information. Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, ainsi que le ministère français des Affaires étrangères ont démenti le chiffre avancé de 130 djihadistes. Le premier a reconnu qu'un certain nombre de djihadistes français pourraient être libérés en conséquence du retrait américain de Syrie, et que certains pourraient «vouloir revenir en France». Mais Christophe Castaner a assuré : «S'ils viennent en France, ils seront incarcérés.»
«Compte tenu de l'évolution de la situation militaire dans le nord-est syrien [...] nous examinons toutes les options pour éviter l'évasion et la dispersion de ces personnes potentiellement dangereuses», a de son côté déclaré le Quai d'Orsay lors d'un point de presse électronique ce 29 janvier.
A cause de l'instabilité du pays, Paris craint en effet de perdre la trace des djihadistes interpellés dans la zone de combat irako-syrienne.
Sur Twitter, Romain Caillet, expert du djihad et coauteur de l'ouvrage Le combat vous a été prescrit, avait réagi à l'information de BFM TV faisant état d'un rapatriement : «Je savais qu'ils finiraient par être rapatriés (le risque d'évasions étant réel là-bas) mais je ne pensais pas que ça arriverait si tôt, tant le coût politique est lourd à payer pour ceux qui vont annoncer ça à l'opinion publique.»
A propos des 130 jihadistes qui vont rentrer, je savais qu'ils finiraient par être rapatriés (le risque d'évasions étant réel là-bas) mais je ne pensais pas que ça arriverait si tôt, tant le coût politique est lourd à payer pour ceux qui vont annoncer ça à l'opinion publique.
— Romain Caillet (@RomainCaillet) 29 janvier 2019
L'analyste pointait le «coût politique» de cette option. Un avis partagé par certains membres de l'opposition politique, qui se sont fermement opposés à la solution du rapatriement. Le député Les Républicains (LR) Eric Ciotti a notamment tancé sur Twitter : «La place des djihadistes qui ont trahi notre Nation et combattu notre civilisation n'est plus en France. Qu’ils soient jugés en Irak ou en Syrie pour leurs crimes et leur barbarie.»
La place des djihadistes qui ont trahi notre Nation et combattu notre civilisation n'est plus en France. Qu’ils soient jugés en Irak ou en Syrie pour leurs crimes et leur barbarie. https://t.co/louy27vVdX
— Eric Ciotti (@ECiotti) 29 janvier 2019
Sur Twitter également, le président du Centre d'analyse du terrorisme, Jean-Charles Brisard, oppose à cette logique l'argument suivant : «Que ceux qui réclament que les djihadistes français capturés par les Kurdes de Syrie soient jugés sur place plutôt qu’en France nous disent par quel tribunal de quelle entité apportant toutes les garanties d’indépendance, d’impartialité, de sévérité et d’exécution des peines.»
Que ceux qui réclament que les #djihadistes français capturés par les kurdes de #Syrie soient jugés sur place plutôt qu’en France nous disent par quel tribunal de quelle entité apportant toutes les garanties d’indépendance, d’impartialité, de sévérité et d’exécution des peines
— Jean-Charles Brisard (@JcBrisard) 29 janvier 2019
Une journaliste de BFM TV, Alexandra Gonzalez, ajoutait par ailleurs qu'il ne s'agirait en réalité pas seulement d'hommes djihadistes, mais également de femmes qui sont soupçonnées d'avoir combattu aux côtés de Daesh : «Il y a des femmes parmi ces détenus, ce sont donc plus de 130 hommes et femmes soupçonnés d'avoir combattu, ou d'avoir été en lien avec Daesh, et un certain nombre sont connus des services de renseignement français.»
Précision : il y a des femmes parmi ces détenus, ce sont donc plus de 130 hommes et femmes soupçonnés d'avoir combattu, ou d'avoir été en lien avec Daesh, et un certain nombre sont connus des services de renseignement français.
— Alexandra Gonzalez (@AlexandraGzz) 29 janvier 2019
Christophe Castaner, interrogé par BFMTV ce 29 janvier, a pour sa part fait savoir que «tous ceux qui rentreront en France seront judiciarisés et confiés aux juges.» Et de préciser : «Lorsque le juge estimera qu’il faudra les mettre en prison, et ce sera l’essentiel des cas, ils seront mis en prison. Certains sont déjà revenus et sont incarcérés, nous les connaissons. Ceux qui reviendront seront écroués.»
Le gouvernement fait donc montre de fermeté par avance, même si BFM TV assure que «chaque cas sera examiné et jugé individuellement». Selon le scénario prévu par la chaîne, à leur arrivée en France, les prisonniers qui ne font pas l'objet d'un mandat d'arrêt international pourraient être remis entre les mains de la police antiterroriste pour être entendus. Ceux qui sont déjà recherchés devraient, eux, être directement déférés devant le juge.
Interrogée par France 24, une Française déjà jugée dans l'Hexagone et condamnée à 10 ans de prison «dont deux tiers avec sursis», lorsqu'elle reviendra dans son pays, confiait sa peur de rester en Syrie dans un reportage publié ce 29 janvier. Elle assure également qu'elle désirait quitter les territoires contrôlés par l'Etat islamique depuis «longtemps». Lorsque le journaliste lui demande si elle ressent quelque regret et comment elle se sent «par rapport à tout ça», elle répond seulement : «Fatiguée, très fatiguée.»
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