Ukraine : le ministre de l'économie démissionne pour dénoncer la corruption
Le ministre ukrainien de l'Economie, Aïvaras Abromavicius, a démissionné en raison du blocage des réformes dans une Ukraine en proie à une grave crise économique et à une corruption endémique. Le président Petro Porochenko lui a demandé de rester.
«Aujourd'hui, j'ai décidé de démissionner de mes fonctions de ministre du Développement économique et du Commerce d'Ukraine. La raison est la soudaine intensification des tentatives de blocage des réformes importantes et systémiques dans notre pays», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.
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— L'important (@Limportant_fr) 3 Février 2016
La vice-ministre de l’Economie Yulia Klimenko a également démissionné dans la foulée de son supérieur. Elle l’annoncé sur sa page Facebook. «Oui, je démissionne avec le ministre. Je le soutiens complètement et partage chaque mot du ministre, pas parce que je suis vice-ministre, mais parce que je suis une citoyenne responsable et patriote de l’Ukraine. Ce n’est pas la fuite du champ de bataille, parce qu’il n’y avait pas de bataille, mais son imitation continue, dans laquelle nous étions toujours impliqués», a-t-elle écrit.
La réaction de Petro Porochenko
Aïvaras Abromavicius «doit rester en tant que ministre et continuer les réformes», a de son côté posté le président ukrainien sur sa page Facebook, à propos de la démission de son ministre de l’économie.
«Je refuse de travailler dans un tel système»
Aïvaras Abromavicius a justifié sa décision en dénonçant «une tentative claire d'établir un contrôle sur les flux financiers, en premier lieu au sein de (l'opérateur gazier ukrainien) Naftogaz, ainsi que dans l'industrie de la défense».
«Et je refuse de travailler dans un tel système», a-t-il insisté. «Ce n'est pas seulement un manque de soutien ou de volonté politique. Ce sont des mesures actives visant à paralyser notre travail de réformes», a-t-il ajouté, en citant notamment comme exemple des tentatives d'imposer des personnes «douteuses» dans son équipe et à des postes clés dans les entreprises publiques.
Le ministre de 40 ans d'origine lituanienne est un ancien cadre dirigeant d'un fonds suédois. Il avait promis à son arrivée d'utiliser les «méthodes les plus radicales» pour réformer le pays, en proie à une crise économique depuis près de deux ans. «Mon équipe et moi ne voulons pas servir de couverture à une corruption flagrante, être des marionnettes sous le contrôle de ceux qui veulent, à l'image de l’ancien pouvoir, établir un contrôle sur l'argent public», a encore justifié Aïvras Abromavicius.
«Des mesures actives visant à paralyser notre travail de réformes»
Il accuse Igor Kononenko, l'un des chefs de file du Bloc Porochenko au Parlement, considéré comme un proche conseiller du nouveau président ukrainien, de vouloir entraver son travail par «des mesures actives visant à paralyser notre travail de réformes». Selon le ministre démissionnaire, Igor Kononenko, appuyé par l'administration présidentielle, a tenté de lui imposer la nomination d'un adjoint chargé notamment de Naftogaz, société qui gère en particulier les difficiles relations avec le russe Gazprom.
«Je ne participerai pas à ce pillage», aurait-il alors répondu. Igor Kononenko a critiqué une «réaction émotionnelle» de l'ex-ministre. L'ambassadeur des Etats-Unis à Kiev, Geoffrey Pyatt, a salué sur son compte Twitter un «des grands champions des réformes du gouvernement».
One of the Ukrainian government's great champions of reform...and a believer in the future Ukraine's people deserve https://t.co/cwdnsl29OK
— Geoffrey Pyatt (@GeoffPyatt) 3 Février 2016
Abromavicius soutenu par Saakachvili
Les accusations de l'ex-ministre ont été appuyées par une autre figure importante de la lutte anti-corruption en Ukraine : le gouverneur de la région d'Odessa et ancien président géorgien, Mikheïl Saakachvili, en conflit ouvert avec le Premier ministre, Arseni Iatseniouk.
Il s'était vivement opposé au ministre ukrainien de l’Intérieur, Arsène Avakov, le 14 décembre dernier, le traitant d’«homme politique corrompu».
En octobre dernier, celui qui est accusé de corruption en Géorgie, a appelé à des changements radicaux au sein du système politique ukrainien, dans lequel des «politiciens de l’ombre» saccagent le budget de l’Etat. «En Ukraine, il y a un gouvernement fantôme et des décisions majeures sont prises par des acteurs de l’ombre. Les entreprises publiques font des milliards de dollars de bénéfices, dont l’Etat ne voit pas la couleur, mais qui finissent dans les poches de ce pouvoir politique parallèle», avait déclaré Mikheïl Saakachvili dans une interview au quotidien ukrainien Vissoki Zamok.
#Saakachvili : un gouvernement parallèle s’approprie la moitié des #revenus de l’#Ukrainehttps://t.co/efSOrSKBGdpic.twitter.com/DmjWsiOQG2
— RT France (@RTenfrancais) 25 Octobre 2015